Les refuges de pierre
prudemment, la
sagaie brandie. Le rhinocéros parut ne pas le voir. Au moment où l’homme
approchait encore, la bête imprévisible perçut un mouvement ; ses forces
déclinantes, revigorées par ce court moment de repos, furent stimulées par la
fureur qui envahit son cerveau primitif.
Soudain, il chargea, si vite que l’homme n’eut pas le temps de
réagir. La bête laineuse réussit enfin à enfoncer sa corne massive dans autre
chose que du vide. L’homme s’effondra avec un cri de douleur. Sans même
réfléchir, Ayla lança son cheval en avant.
— Attends ! C’est trop dangereux ! la rappela
Jondalar, prenant son sillage.
Les autres chasseurs avaient jeté leurs sagaies avant même que
Jondalar n’ouvrît la bouche. Quand Ayla sauta de sa monture encore en mouvement
et se précipita vers le blessé, le rhinocéros gisait au sol, masse inerte
percée de projectiles, tel un porc-épic géant. Mais trop tard : la bête
furieuse s’était vengée.
Plusieurs jeunes gens, effrayés, entouraient l’homme encorné,
qui demeurait immobile à l’endroit où il était tombé. Lorsqu’Ayla approcha,
suivie de près par Jondalar, ils semblèrent surpris de la voir et l’un d’eux
parut même sur le point de lui barrer le passage et de lui demander qui elle
était. Ayla l’ignora. Elle tourna la tête du blessé, écouta sa respiration,
prit son couteau pour couper les lacets de ses jambières ensanglantées. Du
sang, elle en avait déjà plein les mains, et aussi sur le front : une
tache rouge qui marquait l’endroit où elle avait machinalement relevé une mèche
de ses cheveux. Bien qu’elle ne portât pas sur le visage de tatouage de
Zelandoni, elle savait apparemment ce qu’elle faisait, et le jeune homme
hostile recula.
Quand elle dénuda la jambe, la gravité de la blessure lui sauta
aux yeux. La partie inférieure du membre était repliée à un endroit où il n’y
avait pas de genou. La corne avait brisé les deux os. Le muscle du mollet était
déchiré et la pointe déchiquetée d’un os émergeait du magma rouge. Le sang qui
coulait de la plaie formait une flaque sur le sol.
Ayla leva les yeux vers Jondalar.
— Aide-moi à lui redresser la jambe pendant qu’il est
inconscient. Ensuite apporte-moi des peaux souples, nos peaux à sécher feront l’affaire.
Je dois faire pression sur la blessure pour que le sang arrête de couler. Il me
faudra aussi de l’aide pour éclisser la jambe.
Elle se tourna vers l’un des jeunes hommes qui se tenaient à
proximité.
— Il va falloir le ramener au camp. Tu sais fabriquer une
civière ? Il la fixait d’un regard sans expression, comme s’il ne l’avait
pas entendue.
— Quelque chose pour le porter là-bas. Il hocha la tête.
— Une civière, bredouilla-t-il.
Elle se rendit compte que ce n’était en fait qu’un jeune garçon.
— Jondalar t’aidera, dit-elle en voyant son compagnon
revenir avec les peaux.
Quand ils allongèrent le blessé sur le dos, il geignit mais ne
reprit pas conscience. Ayla l’examina de nouveau, au cas où il se serait blessé
à la tête en tombant, mais ne décela aucune contusion. La jeune femme pressa
ensuite fortement la jambe au-dessus du genou pour ralentir l’hémorragie. Elle
songea à lui faire un garrot mais, si elle parvenait à redresser les os et à
panser la jambe, ce ne serait peut-être pas nécessaire. La pression sur la
plaie devait suffire. Il continuait à saigner mais elle avait vu pire.
— Il nous faut des éclisses, dit-elle à Jondalar, des
morceaux de bois droits, de la longueur de sa jambe. Casse des sagaies si tu ne
trouves rien d’autre.
Il lui rapporta deux attelles qu’il avait obtenues en brisant
des lances. Ayla découpa des bandes dans l’une des peaux, ainsi que d’autres
longs morceaux dont elle entourerait les éclisses. Elle souleva ensuite le pied
de la jambe fracturée, les orteils d’une main, le talon de l’autre, tira
doucement. L’homme eut deux spasmes et gémit. Il avait failli reprendre
connaissance. Ayla passa un doigt dans la plaie béante pour sentir la position
des os.
— Jondalar, tiens-lui la cuisse. Je dois mettre sa jambe en
place avant qu’il se réveille et pendant qu’il saigne encore. Le sang garde la
blessure propre.
Elle se tourna vers les jeunes gens qui la considéraient avec
des expressions médusées, horrifiées.
— Toi et toi, dit-elle en désignant deux d’entre eux. Je
vais soulever sa jambe et tirer
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