Les refuges de pierre
aussi.
— L’enfant recueilli par la compagne du chef des Mamutoï
avec qui tu as vécu.
— Oui. Sa mère appartenait au Clan et, comme les autres
membres, elle ne savait pas parler, à part quelques sons que personne ne
comprenait. Rydag était un enfant faible. Il en est mort. Nezzie disait que sa
mère errait seule quand ils l’avaient trouvée et qu’elle les avait suivis. Cela
ne ressemble pas aux femmes du Clan. Elle avait dû être maudite pour une raison
quelconque, sinon elle n’aurait pas été seule, surtout avec une grossesse aussi
avancée. Elle avait sans doute aussi rencontré quelqu’un des Autres qui l’avait
bien traitée : cela expliquerait qu’elle ne se soit pas cachée et qu’elle
ait suivi les Mamutoï. Peut-être l’homme qui avait mis en elle la vie de Rydag.
— Peut-être, fit Zelandoni. Et la mère d’Echozar ?
Elle avait été maudite elle aussi, m’as-tu dit. Je ne suis pas sûre de
comprendre ce que cela signifie exactement.
— Mise à l’écart, chassée. On disait qu’elle portait
malheur parce que son compagnon était mort quand elle avait été attaquée, on l’a
dit plus encore après qu’elle eut donné naissance à un enfant « difforme ».
Le Clan n’aime pas non plus les mélanges. Un dénommé Andovan l’a trouvée sur le
point de mourir avec son enfant. D’après Echozar, c’était un homme âgé, qui
vivait seul pour une raison quelconque. Il a recueilli la mère et le bébé. Je
pense qu’il était un S’Armunaï, mais il habitait une grotte à la lisière du
territoire des Zelandonii et il parlait leur langue. Il avait peut-être échappé
à Attaroa. Il a élevé Echozar, il lui a enseigné à parler Zelandonii et s’armunaï.
Sa mère lui a montré les signes du Clan. Andovan a dû les apprendre, lui aussi,
parce qu’elle ne pouvait pas parler. Echozar le pouvait, lui. Il était comme
Durc.
Ayla s’interrompit, les larmes aux yeux.
— Durc aurait parlé s’il avait eu un S’Armunaï auprès de
lui, poursuivit-elle. Il prononçait déjà certains sons avant mon départ et il
savait rire. Comment les membres du Clan avaient-ils pu s’imaginer qu’il leur
ressemblerait, puisqu’il était mon bébé ? Né de mon ventre... Mais il ne
me ressemblait pas non plus, pas comme Jonayla. Rien d’étonnant si c’était
Broud qui l’avait fait germer en moi.
— Qui est ce Broud ?
— Le fils d’Ebra, la compagne de Brun. Brun était le chef
du Clan, un bon chef. Broud est celui qui m’a chassée du Clan quand il est
devenu chef. J’ai grandi entourée de sa haine.
— C’est lui qui aurait fait germer Durc en toi ? Tu
penses pourtant que cela vient du partage des Plaisirs. Pourquoi les aurait-il
partagés avec toi s’il te haïssait ?
— Il n’y avait aucun Plaisir pour moi. Broud me forçait. Je
ne sais pas pourquoi il l’a fait la première fois, mais c’était horrible. Il m’a
fait mal. Je détestais ça, et je détestais Broud à cause de ça. Il a senti que
cela me dégoûtait, c’est pour cette raison qu’il a continué.
— Et ton Clan le permettait !
— Les femmes du Clan doivent accepter l’accouplement chaque
fois qu’un homme le souhaite, chaque fois qu’il leur fait le signal. On les a
élevée comme ça.
— Je ne comprends pas. Comment un homme pourrait-il vouloir
d’une femme si elle ne veut pas de lui ?
— Je crois que cela ne dérangeait pas trop les femmes du
Clan. Elles connaissaient même certaines façons d’inciter un homme à leur faire
le signal. Iza me les avait apprises mais je n’ai jamais voulu y avoir recours.
En tout cas, pas avec Broud. Je détestais tellement ça que je n’arrivais plus à
manger. Je ne voulais plus me lever le matin, je refusais de quitter le foyer
de Creb. Mais, quand je me suis aperçue que j’allais avoir un bébé, j’étais
tellement heureuse que je ne me souciais même plus de Broud. Je le subissais
sans réagir. Du coup, il a cessé. Ce n’était plus drôle pour lui si je ne
résistais pas.
— Tu dis que tu ne comptais que douze ans quand ton fils
est né ? C’est très jeune. La plupart des filles ne sont pas encore des
femmes à cet âge.
— Ce n’était pas jeune pour le Clan. Certaines filles du
Clan deviennent femmes à sept ans, et la plupart à dix ans. Les hommes du Clan
pensaient que je ne deviendrais jamais femme. Puis ils ont dit que je n’aurais
jamais d’enfants, parce que mon totem était trop
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