Les refuges de pierre
parfois, et cette omission lui pesait comme un mensonge. Elle ne
pouvait cependant se résoudre à lui en parler.
Ce fut à lui d’avoir l’air troublé.
— Je ne peux pas dire grand-chose, dans un sens ou dans un
autre. A toi de choisir, Ayla. Il vaut sans doute mieux que tu sois préparée.
Tu ne soupçonnes pas à quel point j’ai eu peur quand Mamut et toi avez fait cet
étrange Voyage. Je te croyais morte, j’ai imploré la Grande Mère de te ramener
à la vie. Je crois que je n’avais jamais autant supplié... J’espère que tu ne recommenceras
pas.
— Je me suis doutée que c’était toi. Pas tout de suite mais
plus tard. Mamut a dit que quelqu’un nous avait rappelés avec une force
irrésistible. J’ai cru te voir en revenant à moi et puis tu as disparu.
— Tu étais promise à Ranec. Je ne voulais pas être un
obstacle entre vous, dit Jondalar, se souvenant de la terrible nuit.
— Tu m’aimais. Si tu ne m’avais pas aimée autant, mon
esprit serait peut-être encore perdu dans le grand vide. (Elle s’agrippa
soudain à lui.) Pourquoi moi ? Pourquoi faut-il que je devienne
Zelandoni ?
Il la prit dans ses bras. Oui, pourquoi elle ? pensa-t-il.
Il se rappela les propos de la Première sur les responsabilités des doniates et
les dangers qu’ils couraient. Il comprenait maintenant pourquoi elle avait été
aussi franche : elle s’efforçait de les préparer. Elle savait depuis le
début, depuis le jour où ils étaient arrivés, tout comme Mamut avait su, lui
aussi. C’était la raison pour laquelle il avait adopté Ayla dans son foyer.
Puis-je être le compagnon d’une Zelandoni ? se demanda Jondalar. Il pensa
à sa mère et à Dalanar. Ils s’étaient séparés parce qu’il n’avait pas supporté
que fût Femme Qui Ordonne, disait-elle. Les exigences de la fonction de
Zelandoni étaient encore plus grandes.
Son extraordinaire ressemblance avec Dalanar prouvait sans l’ombre
d’un doute qu’il était fils de son esprit, mais selon Ayla il ne s’agissait pas
seulement d’esprits. Elle affirme que Jonayla est ma fille, pensa-t-il. Si elle
a raison, je dois être le fils de Dalanar ! Cette idée le sidérait.
Pouvait-il être le fils de Dalanar comme il était celui de Marthona ? En
ce cas, lui ressemblait-il au point de ne pouvoir supporter, lui non plus, de
vivre avec une femme exerçant des responsabilités importantes ? Cette
pensée le dérangeait au plus haut point.
Sentant sa compagne frémir dans ses bras, il baissa les yeux.
— Qu’y a-t-il, Ayla ?
— J’ai peur. C’est pour cela que je ne veux pas accepter. J’ai
peur d’être Zelandoni, sanglota-t-elle. Elle se calma, s’écarta de lui.
— J’ai peur parce qu’il m’est arrivé des choses dont je ne
t’ai jamais parlé, avoua-t-elle.
— Quel genre de choses ? demanda-t-il, le front barré
d’un pli soucieux.
— Je ne t’en ai jamais parlé parce que je ne savais pas
comment te les expliquer. Je ne suis toujours pas sûre d’en être capable mais
je vais essayer. Quand je vivais avec le Clan de Brun, j’ai accompagné ses
membres à un Rassemblement, tu le sais. Iza était trop malade pour s’y rendre,
elle est morte peu après notre retour.
Les yeux d’Ayla s’emplirent de larmes à ce souvenir.
— En sa qualité de guérisseuse, elle était censée préparer
la potion destinée aux Mog-ur, continua-t-elle. Personne d’autre ne savait le
faire. Uba était trop jeune, elle n’était pas encore femme et la potion devait
être préparée par une femme. Iza m’a expliqué comment procéder, avant notre
départ. Je ne pensais pas que les Mog-ur m’y autoriseraient – ils
soutenaient que je n’appartenais pas au Clan – mais Creb est venu me
voir et m’a enjoint de me tenir prête. C’est le même breuvage que j’ai préparé
plus tard pour Mamut et moi quand nous avons fait notre étrange Voyage.
« Comme il en restait et que je craignais qu’on me reproche
d’en avoir trop préparé, j’ai bu le reste. Je ne savais même pas où j’allais
quand je suis retournée dans la grotte. La drogue était si puissante que je me
trouvais peut-être déjà dans le Monde des Esprits. J’ai vu les Mog-ur, je me
suis cachée pour les observer, mais Creb savait que j’étais là. C’était un
puissant sorcier. Il était comme un Zelandoni, comme le Premier. Il était le
Mog-ur. Il dirigeait tout et, je ne sais pour quelle raison, mon esprit s’est
joint aux
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