Les refuges de pierre
Elle s’habituait à conter des histoires et parlait
volontiers des chevaux. Elle expliqua comment elle avait pris au piège la mère
de Whinney et sauvé son petit des hyènes, comment elle avait ramené la pouliche
à sa grotte, comment elle l’avait nourrie et élevée. Ayla se prit au jeu et,
sans qu’elle s’en aperçût, rendit son récit plus prenant en faisant appel à l’art,
appris au Clan, d’exprimer un sentiment par une expression du visage ou un
geste.
Gardant un œil sur Whinney, elle dramatisa inconsciemment sa
narration, et les membres du groupe, dont plusieurs appartenaient à des
Cavernes voisines, l’écoutèrent, captivés. Son accent exotique, son habileté
incroyable à imiter les cris d’animaux ajoutaient encore à l’intérêt de cette
histoire singulière. Même Jondalar, qui en connaissait pourtant les
circonstances, était sous le charme. Jamais il n’avait entendu Ayla la raconter
de cette manière. On lui posa des questions, elle décrivit sa vie dans la
vallée mais, lorsqu’elle parla du bébé lion qu’elle avait recueilli et élevé,
les regards se firent sceptiques. Jondalar s’empressa de confirmer. Qu’ils y
crussent totalement ou non, l’histoire de la femme, de la jument et du lion qui
vivaient ensemble dans une grotte perdue était agréable à entendre. Un cri de
Whinney interrompit Ayla.
Elle se leva d’un bond, courut à la jument, qui était maintenant
allongée sur le flanc. La tête d’un petit coiffé d’une membrane apparut. Pour
la seconde fois, Ayla servit de sage-femme à Whinney. Avant même que les jambes
ne fussent totalement sorties, le nouveau-né au poil mouillé essaya de se
mettre debout. Whinney tourna la tête pour voir le résultat de ses efforts,
hennit doucement en direction de son bébé. Allongée, la minuscule pouliche
approcha en se tortillant de la tête de sa mère, s’arrêta pour essayer de
téter. Quand son petit fut près d’elle, la jument commença aussitôt à le
nettoyer de sa langue. Lavée, la pouliche essaya de se lever. Elle tomba sur le
nez, entreprit une deuxième tentative et réussit cette fois à se tenir debout,
quelques instants seulement après être sortie du ventre de sa mère. Un
courageux petit cheval, pensa Ayla.
Dès que le bébé fut sur ses pattes, Whinney se leva à son tour.
Aussitôt la pouliche passa la tête sous sa mère pour téter et ne trouva pas le
mamelon. Au deuxième essai, Whinney mordilla doucement son rejeton pour le
mettre dans la bonne direction. Cela suffit. Sans aucune aide, la jument avait
donné naissance à sa pouliche.
Le groupe avait regardé en silence, témoin pour la première fois
que la Grande Terre Mère avait donné à Ses créatures animales la connaissance
nécessaire pour qu’elles sachent s’occuper de leur progéniture. Pour que
survivent les petits du cheval, et de la plupart des autres bêtes qui passaient
en grand nombre dans les steppes, il fallait qu’ils puissent se tenir sur leurs
pattes et courir presque aussi vite que leur mère peu après la naissance. Sans
cette capacité, ils auraient été une proie facile pour les prédateurs et l’espèce
n’aurait pas survécu. Whinney semblait heureuse de sentir son bébé téter.
La naissance de la pouliche avait offert aux Zelandonii un
spectacle rare, une histoire que tous les témoins raconteraient à l’envi.
Plusieurs posèrent des questions et se livrèrent à des commentaires une fois
que les deux bêtes furent confortablement installées.
— Je n’avais jamais remarqué que les petits des chevaux
savaient marcher dès leur naissance. A nos bébés, il faut au moins un an.
Est-ce qu’ils grandissent vite ?
— Oui, répondit Ayla. Rapide est né le lendemain du jour où
j’ai trouvé Jondalar blessé. C’est maintenant un étalon, et il ne compte que
trois années.
— Il faudra que tu donnes un nom au petit, lui rappela son
compagnon.
— Je vais y réfléchir.
Jondalar comprit qu’elle voulait d’abord voir à quoi il
ressemblerait. Il était vrai que la jument louvette avait déjà donné naissance
à un poulain de couleur différente. Il était vrai aussi que parmi les chevaux
des steppes de l’Est, près du territoire des Mamutoï, on trouvait des chevaux
au pelage marron foncé, comme Rapide. Jondalar ignorait quelle serait la
couleur de la pouliche, mais ce ne serait pas celle de sa mère.
Loup les découvrit peu après. Comme s’il savait qu’il devait
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