Les reliques sacrées d'Hitler
dâassassiner des détenus dans le seul but de mesurer certaines parties de leur corps anormalement petites ou trop importantes. Câétait pourtant ce que les services de renseignements du G-2 venaient de découvrir.
Les enquêteurs avaient trouvé ce quâils avaient identifié comme une « collection de crânes juifs » dans un laboratoire de recherche français exploité par des Allemands. Outre cette collection de spécimens, il y avait des cadavres de Juifs à différents stades de décomposition ; un ascenseur spécialement fabriqué transportait les cadavres dâun étage à lâautre, où des médecins, équipés de grands réservoirs remplis de produits chimiques, arrachaient cheveux, ongles, tendons, cartilages et toute autre partie tendre du corps pour obtenir des squelettes parfaits. Ce programme avait été minimisé à cause des camps de la mort et des usines dâarmement, mais il nâen était pas pour autant négligeable. Il était également financé par le Reich, et une armée de bureaucrates veillait à son bon déroulement. Dâaprès Rosenthal, ce programme était soutenu par la Deutsches Ahnenerbe, cette équipe dâérudits aryens et de scientifiques à laquelle Troche avait fait référence. Ce seul fait justifiait quâon ne réfute pas dâemblée la thèse du conservateur du musée mettant en avant lâexistence dâune fraternité teutonique, aussi extravagante que cette hypothèse puisse paraître.
« Rien nâest impossible avec les nazis, dit Rosenthal pendant quâil disposait les pièces dâéchecs. Mieux vaut lâaccepter une bonne fois pour toutes, et nous concentrer sur Hitler et ses acolytes. »
Rosenthal et Troche étaient persuadés lâun et lâautre que les programmes médicaux et éducatifs de lâAhnenerbe trouvaient leur raison dâêtre dans la haine pathologique du Führer à lâégard des Juifs et sa notion perverse dâune suprématie aryenne. Le défi pour les officiers de renseignements était de tout mettre en relation. On pouvait se contenter de traiter Hitler et son entourage de fous à lier, comme le faisaient de nombreux membres du commandement allié, ou lâon pouvait, difficilement certes, retracer dans ses moindres étapes lâévolution du monstrueux projet nazi, depuis les vociférations dâun dissident politique dans une brasserie de Munich jusquâà cette collection de crânes rassemblés en France.
Rosenthal et Horn pensaient quâon ne pouvait pas expliquer lâHolocauste sans se donner la peine de relier les différentes étapes. Même sâil était peu probable que les prochains procès pour crimes de guerre cherchent à retracer les origines de la doctrine nazie avant lâapparition dâHitler dans la brasserie munichoise, Rosenthal était de lâavis de Troche : les racines de la psychose dâHitler ne se trouvaient pas en Allemagne, mais à Vienne, durant ses années dâerrance comme étudiant en art, un étudiant qui haïssait les Juifs et fantasmait sur son destin personnel. En tant que spécialiste dâHitler, Rosenthal en connaissait autant sur ce sujet que Troche. « Tout le monde sait à présent comment le III e Reich a fini, dit-il. Personne ne sait comment il a commencé. »
Lâappartenance dâHitler avant guerre à diverses sociétés ésotériques secrètes nâavait jamais été prouvée, mais ses relations avec des membres de ces sociétés, leur antisémitisme virulent et les livres quâil étudiait étaient autant dâéléments qui figuraient dans les archives. Le maître mot, disait Rosenthal, était étudier . Hitler lisait sans arrêt, dâoù sa profonde et constante admiration pour les empereurs du Saint Empire et leurs traditions millénaires. Que ces rois-soldats aient cru que leur mission divine était de rayer les païens de leur empire correspondait au propre désir pathologique dâHitler dâéradiquer la « conspiration juive ». La grandeur des prétendus ancêtres aryens de lâAllemagne donnait à Hitler la mesure dâun futur Reich
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