Les reliques sacrées d'Hitler
capitaine Richard Mershon. Même les gardes dans lâentrée ne savaient pas quand ils ouvriraient. Le policier militaire devant les bureaux de la MFAA conseilla à Horn dâaller au Grand Hôtel, en face de la gare, vérifier ce qui se passait dans ce quâon appelait couramment la « fosse aux serpents », lâancienne salle de bal de lâhôtel qui faisait office de club des officiers.
Horn comprit dans lâinstant dâoù venait ce surnom de « fosse aux serpents » quand il présenta ses papiers à la porte et pénétra dans une salle caverneuse et enfumée. Il était à peine 10 heures du matin et lâendroit était bondé de militaires et de civils, assis sur des tabourets de bar, devant une scène vide, ou à des tables éparpillées dans la salle. Un pianiste jouait des airs de comédies musicales. Rares étaient les officiers vêtus de pied en cap de leur uniforme ; quant aux civils, principalement des hommes dans des costumes marron élimés, et des femmes avec des robes de jour défraîchies, ils se déplaçaient dâun groupe à lâautre comme des courtisans.
Les règlements avaient été assouplis depuis la fin de la guerre, mais cela en disait long sur le protocole de lâarmée en vigueur. Le général Patton, aussi à cheval sur les règles contre la fraternisation quâil lâétait pour les bottes cirées, aurait ordonné sur-le-champ la fermeture de lâendroit sans la moindre arrière-pensée. Il aurait aussi très bien pu entrer, voir le spectacle et dégainer alors ses pistolets à six coups à crosse en ivoire.
Au vu des téléphones sur certaines tables et du grade des officiers qui les utilisaient, Horn comprit que le capitaine John Thompson de la MFAA nâétait pas le seul à faire partie des buveurs matinaux, mais quâil y avait aussi lâéquipe des quinze officiers dâoccupation au complet. Horn en eut la confirmation quand on le conduisit vers un capitaine entre deux âges, élancé, avec des cheveux noirs de jais et un menton mal rasé, assis à une table avec deux civils. Une pile épaisse de formulaires de réquisition de lâarmée américaine ainsi que des dossiers posés devant les trois hommes ne laissaient plus aucun doute. Les véritables affaires concernant lâoccupation de Nuremberg ne se traitaient pas au quartier général du commandement, mais ici, dans la « fosse aux serpents ».
Horn avança en direction de Thompson, fit le salut militaire, se présenta et lui remit les ordres de mission quâil avait reçus à Francfort.
Thompson prit les documents négligemment. Ses premiers mots ne se rapportèrent pas à lâenquête de Horn, mais à ses origines. Comme Horn le raconterait plus tard à Rosenthal, le capitaine le traita de « boche », ou fit des remarques tout aussi désobligeantes à ce sujet.
Lâaccent de Horn avait suscité de nombreux commentaires grossiers depuis son engagement dans lâarmée, mais surtout de la part de fantassins fatigués par la guerre qui se défoulaient. Plus on montait dans la hiérarchie du commandement militaire, moins les Germano-Américains rencontraient de problèmes. Au sommet, cela jouait même en leur faveur, Eisenhower et beaucoup des haut gradés étant dâascendance allemande. Patton lui-même, bien que de lignée écossaise, préférait la compagnie des Allemands à celle de ses alliés britanniques, français et soviétiques.
« Je suis de Heidelberg, dit Horn, sâen tenant à sa réplique habituelle, et parlant aussi fort que possible pour couvrir le bruit de la salle. Et je déteste les nazis autant que vous. »
Les choses sâannonçaient mal entre Horn et Thompson, et elles continuèrent à empirer tandis que le capitaine se demandait à haute voix pourquoi Hammond lâavait choisi lui, simple lieutenant, pour diriger lâunité dâinvestigation de la MFAA. Dâaprès Horn, de deux choses lâune : soit Thompson ignorait comment les services de renseignements du G-2 avaient informé les forces dâinvasion de lâexistence du bunker, soit il ignorait simplement pourquoi le rapport
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