Les reliques sacrées d'Hitler
joues rouges sâalignaient pour être passées en revue et où le Führer lui-même, debout sur lâestrade dans le hall dâhonneur nazi, promettait à des foules en délire que lâAllemagne dominerait le monde â, cette ville nâétait plus quâun tas de ruines. Le grand drame était que cette même ville, qui avait ouvert ses bras à Hitler et aux centaines de milliers dâAllemands présents chaque année aux congrès du parti nazi, était également celle où des bricoleurs de génie avaient inventé la montre de gousset, où des astronomes avaient dressé les premières cartes célestes, où des éditeurs avaient publié la première histoire illustrée du monde, où des artisans avaient fabriqué les premiers crayons à mine de plomb et où des pâtissiers avaient mis au point le premier pain dâépices. Ce fier héritage était enterré avec le reste.
Horn avait traversé Francfort et pensait savoir à quoi sâattendre à Nuremberg après avoir lu les rapports du capitaine Peterson. Mais aucun rapport nâaurait pu le préparer à ce choc déchirant que lui procura ce paysage de destruction. Les bombes et les obus avaient réduit la ville à un état de ruine total, avec des cratères partout, des bâtiments incendiés et des amas de briques calcinées. Francfort, Hambourg et Dresde avaient également été rasées, mais ces villes étaient de grandes métropoles, très différentes de la bucolique Nuremberg, blottie dans une vallée luxuriante aux prairies et aux pâturages ondulants. La vue de la ville depuis les vertes collines au-dessus, avec leurs grands pins et leurs clairs ruisseaux de montagne, était parfaitement surréaliste, comme si une énorme météorite était tombée du ciel pour oblitérer un paysage pastoral idyllique, ou comme si Thor, depuis un nuage, avait frappé la terre avec son marteau. Câétait lâimpression que cela donnait. La campagne de quatre jours pour libérer Nuremberg avait ravagé de grandes parties de la ville, mais la pire destruction lui avait été infligée pendant que Horn était en Belgique et que lâarmée de Patton se préparait à traverser le Rhin. Plus de huit cents bombardiers alliés avaient, au cours de onze missions successives, déversé quatorze mille tonnes dâexplosifs sur une zone à peine plus grande quâun faubourg de Londres.
Les gravats éparpillés partout se matérialisèrent quand Dollar passa avec Horn devant lâimmense champ de parade nazi dans les faubourgs au sud de la ville. Horn se félicitait de nâavoir jamais participé à un de ces congrès du parti qui se tenaient là chaque année, en septembre, mais il avait vu lâimmeuble nazi et les projets dâaménagements paysagers en cours, lors de visites en famille à des parents dans la ville voisine de Fürth. Câétait à Nuremberg que lâarchitecte Albert Speer, animé par sa vision tordue dâun paradis sur terre, avait créé ses « temples » tentaculaires, dédiés à la majesté et à la gloire du III e Reich. Hitler lui-même avait rendu le plus élogieux des hommages à cette ville. Le Führer avait déclaré que si Berlin était le cerveau du parti nazi et Munich, où le mouvement était né, son cÅur, Nuremberg était son âme.
Horn et Dollar passèrent devant le champ de parade, devenu un énorme camp de travail et de dépôt de fournitures pour lâarmée, et continuèrent vers la ville elle-même en se frayant un chemin entre des équipes de prisonniers de guerre qui déblayaient les gravats des maisons des quartiers résidentiels, dont les façades étaient criblées de balles, les toits effondrés et les murs écroulés, comme autant de maisons de poupée écrasées. En sâapprochant de la vieille ville médiévale â là où le marteau de Thor avait frappé avec encore plus dâautorité â, ils virent les maisons bourgeoises vieilles de plusieurs siècles, avec leurs toits à pignons qui sâétaient effondrés vers lâintérieur, entraînant avec eux les sculptures et les bas-reliefs
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