Les reliques sacrées d'Hitler
abris dont il était également responsable. Mais trente-deux des bâtiments listés nâexistaient plus. Ce nâétait plus quâun amoncellement de ruines. Dix-huit autres étaient tellement endommagés quâils auraient dû être rasés. Mais ça, il nâavait pas le droit de le faire, parce que la MFAA les avait décrétés trésors nationaux, et ils devaient être préservés. Dâaprès lui, il était dangereux de pénétrer dans ces immeubles. Les autres pouvaient probablement et devaient même être sauvés. Mais comment procéder quand les règlements de lâarmée lui interdisaient dâengager dâanciens nazis pour faire le travail ? Thompson nâavait pas dâautre choix, déclara-t-il, que de se tourner les pouces jusquâà ce que les bureaucrates de lâUSFET décident de lui donner les moyens de sa tâche. Il ne pouvait pas se tourner vers un intermédiaire comme Heinz Levié pour lâaider, car la MFAA nâavait pas de fonds à dépenser comme le ministère du Développement économique ou la commission des affaires civiles. Lâéquipe de Thompson était tout en bas de lâéchelle hiérarchique.
Il y avait bien de lâargent qui était injecté dans la ville, mais il était surtout utilisé pour la rénovation du palais de justice, la prison attenante et le Grand Hôtel, en prévision des procès pour crimes de guerre. LâUSFET voulait prouver au monde que la ville était gérée par les Ãtats-Unis, sauf que, de lâavis de Thompson, ce nâétait pas le cas. Le palais de justice serait prêt en temps et en heure pour les procès et la capacité dâaccueil dans les hôtels suffisante, alors que le reste de la ville était au bord du gouffre et que des gens mourraient de faim. En plus, une épidémie de typhus sâétait propagée à partir des camps. Des meutes de chiens sauvages erraient la nuit dans les rues. Il y avait aussi des groupes clandestins de paramilitaires juifs qui cherchaient vengeance, des ouvriers du Reich armés, des trafiquants de marché noir et des nazis, aujourdâhui sans uniforme, mais toujours présents.
Le souci le plus immédiat pour Thompson était les quelque dix mille personnes sans domicile, vivant encore dans des abris et des bunkers. LâUSFET avait ordonné que les abris soient évacués et leurs portes scellées. Mais que devait-il faire ? Mettre encore plusieurs milliers de femmes et enfants dans la rue ? Accepter quâils puissent être violés ou dévalisés ?
Le message de Thompson était clair. Retrouver les Åuvres dâart â autrement dit, sauver ce quâil appelait de lâart allemand pour les Allemands â ne méritait pas quâil sây intéresse. Suffisamment de vies avaient déjà été sacrifiées au cours de la bataille pour prendre la ville. Dâautres choses bien plus importantes avaient priorité sur lâenquête du lieutenant.
Horn, tout en sachant quâil avait tort, commençait à apprécier Thompson. Non pas que le sentiment fût partagé et quâil puisse envisager un jour de se retrouver assis à une table avec lui autour dâune bouteille de vin, en train dâévoquer leurs souvenirs de guerre. Horn voyait Thompson pour ce quâil était : un gratte-papier ordinaire sans grande éducation et beaucoup de patriotisme, un peu trop âgé ou inapte au combat, qui avait choisi de travailler dans les services dâoccupation, imaginant quâil serait accueilli en Allemagne comme un héros conquérant. Se retrouver dans un endroit comme Nuremberg avait dû lui procurer le même effet que dâêtre renversé par un camion.
Ce nâétait pourtant pas une excuse pour se noyer dans lâalcool au club des officiers comme le faisait Thompson, sâabsenter du quartier général parce quâil nâavait rien à dire aux gens qui comptaient sur lui pour les aider, ou sâen remettre, pour gérer la ville, à des entrepreneurs civils avides dâargent, des voyous en quête de vengeance ou dâanciens nazis sans uniforme. Cela ne résoudrait pas les problèmes de la ville, ni ne permettrait
Weitere Kostenlose Bücher