Les reliques sacrées d'Hitler
soigneusement coiffés, étaient devenus prématurément blancs. Mais il ressemblait toujours au conservateur de musée énergique quâil était à ses débuts, aussi à lâaise parmi des artistes quâau milieu des camionneurs et des manutentionnaires. Vêtu dâun tablier blanc impeccable, il tenait un bloc-notes dâune main et agitait un bâton de circulation de lâautre. Un sifflet pendait à un cordon autour de son cou, dont il usait de temps en temps pour attirer lâattention dâun livreur indolent.
Tout comme ses collègues conservateurs occupés à inspecter la cargaison, Troche était de très bonne humeur. Malgré la perte des salles dâexposition du musée, sa vaste collection dâart allemand et dâantiquités â allant des armures médiévales jusquâà des heurtoirs en bronze du XVIII e  siècle et des barattes â avait survécu aux bombardements et à lâinvasion. Après trois années dans diverses salles de stockage en dehors de la ville â dans des fermes, des sous-sols dâéglises et des donjons â, la collection rentrait au bercail. Le retour des autres trésors du musée, actuellement sous lâautorité des Alliés et hébergés dans le bunker de lâallée du Forgeron et plusieurs autres installations souterraines, était attendu avant la fin de lâannée.
Lâenthousiasme de Troche était compréhensible. Ce matin-là , il expliqua à Horn, en compagnie dâautres conservateurs, que les deux millions dâobjets quâils avaient en dépôt avant guerre avaient été recensés. Les seules pertes consistaient en plusieurs centaines de tableaux et dâantiquités appartenant à la collection du gouvernement de la ville, non à celle du Musée germanique. Karl Holz, responsable de la défense de la ville, avait demandé de les laisser sur les murs des administrations de Nuremberg. Enlever ces Åuvres dâart aurait été une trahison, avait déclaré Holz, impliquant que le régime nazi nâétait pas en mesure de protéger la ville dâune attaque.
Le résultat était prévisible. Les Åuvres dâart du gouvernement de la ville qui nâavaient pas brûlé avaient été pillées pendant lâinvasion. Câétait évidemment une grande perte, mais insignifiante en comparaison de la dispersion et de la destruction des Åuvres dâart allemandes des musées de Berlin et de Munich. La perte des Åuvres dâart et des antiquités de ces villes faisait de la collection du Musée germanique la première de la nation. Et, compte tenu des dollars déversés dans les coffres du musée dans la perspective de lâarrivée de milliers de visiteurs venus pour les procès contre les crimes de guerre, le musée était assuré de rouvrir bientôt.
Lâoptimisme presque joyeux qui régnait parmi les conservateurs constituait un agréable changement après lâaccablement qui régnait en ville. Horn avait fini par trouver cette excitation contagieuse. Il put enfin attirer lâattention de Troche et gagner le milieu de la rue. Il entoura son ami de ses bras dans un élan de sincère affection.
Troche tendit son bâton à un collègue et fit entrer Horn dans lâentrepôt qui était plein à craquer. Il ramassa quelques livres et quelques dossiers sur son bureau et guida Horn hors de la pièce vers un endroit où ils pourraient parler en tête à tête.
Ils traversèrent les ruines noircies du musée en direction du cloître de lâancien monastère. Après être passé devant les salles dâexposition sans toit et condamnées avec des planches, Horn fut ravi de retrouver le cloître intact, avec sa cour quadrangulaire entourée par une arcade voûtée. Les débris de poutres calcinées avaient été enlevés et la fontaine en pierre vieille de plusieurs siècles qui trônait au milieu de la cour avait été nettoyée et remplie dâeau. Câétait curieux, se dirait Horn plus tard. Partout autour dâeux, subsistaient des rappels du haut degré de sophistication et de culture qui avaient contribué à créer cette paisible oasis, alors
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