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Les reliques sacrées d'Hitler

Les reliques sacrées d'Hitler

Titel: Les reliques sacrées d'Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sidney Kirkpatrick
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Nobel au cours de la décennie précédant la guerre, les Juifs donnaient les dîners les plus courus, géraient les galeries à la mode, et c’étaient encore eux qui s’illustraient comme chefs d’orchestre et artistes de cabaret.
    Horn et Troche s’étaient épanouis dans cet environnement, s’y jetant à corps perdu, et jouissant au maximum de la liberté intellectuelle et sexuelle ambiante. Il leur arrivait souvent de passer la soirée à la bibliothèque avant d’aller finir la nuit dans des clubs. En dehors de leur amour partagé pour l’histoire de l’art et leurs prouesses sportives – Horn était champion de javelot et Troche un athlète consommé –, ils avaient tous les deux des partenaires juifs. Dans le cas de Horn, il s’agissait de Gretl, une femme de dix ans plus âgée, mariée à un industriel nazi. L’amant de Troche s’appelait Jan, un artiste et critique d’art juif bourré de talent.
    Panofsky, juif lui aussi, leur avait recommandé de faire profil bas, car le climat changeait dans la nation. D’une discrimination occasionnelle on en arrivait à une intolérance affichée et à des sévices physiques. Il leur conseillait vivement de quitter le pays comme lui-même se préparait à le faire. Horn avait suivi le conseil de Panofsky et obtenu un emploi à l’Institut germanique de Florence. Troche avait préféré rester et était devenu archiviste dans le département des conservateurs de la Galerie nationale de Berlin.
    Les trois années et demie passées en Italie, de 1934 à 1938, avaient été pour Horn une prolongation de la vie insouciante qu’il avait connue à Berlin, mais son cercle d’amis s’était élargi à des amateurs d’art plus huppés et plus cosmopolites. Au lieu de fréquenter des cafés et des boîtes de nuit, il participait désormais à un salon fréquenté par des historiens d’art, des marchands, des conservateurs de musée et des artistes expatriés, réunis autour du critique et collectionneur Bernard Berenson, dieu incontesté du monde de l’art de l’après-Première Guerre mondiale.
    Dans la propriété de vingt hectares de Berenson, I Tatti, située au pied des collines à l’extérieur de Florence, Horn assistait à un défilé ininterrompu d’intellectuels européens et américains lors de thés élégants et de dîners aux chandelles : le marchand d’art anglais Joseph Duveen, la collectionneuse Isabella Stewart Gardner, Alfred Hamilton Barr, le directeur du Museum of Modern Art, Paul Sachs de Harvard et Worth Ryder de Berkeley. Tant pis si Horn n’était que fraîchement diplômé, s’il n’avait publié qu’un seul article et s’il subsistait modestement grâce à son salaire de l’Institut germanique. Il était traité comme un intime et convié l’été à des séjours avec Berenson à Madrid et à Paris, et à des escapades hivernales dans les Alpes.
    En Allemagne, le couperet commençait à tomber. L’amant de Troche et plusieurs centaines d’autres activistes s’efforçaient de faire passer au Reichstag une nouvelle législation pour annuler celle qui rendait les rapports sexuels entre hommes illégaux. C’était une tentative désespérée, car les nouveaux dirigeants nazis étaient farouchement homophobes. Hitler lui-même avait déclaré que l’homosexualité était un « comportement dégénéré » qui menaçait le « caractère viril » de la nation. On collectait les noms d’homosexuels notoires, comme ceux des Juifs, des Témoins de Jéhovah, dans une liste de plus en plus longue d’« indésirables » de toutes sortes.
    Horn connut sa première alerte lorsqu’il retourna chez lui pour enterrer son père en 1934. Avec son frère aîné Rudolf et son futur beau-frère Erich, il avait participé à un rassemblement public pour célébrer le nouveau chancelier du Reich. Se moquant de la foule en délire, Horn levait les bras en même temps qu’elle. Mais au lieu de crier Heil Hitler , il entonnait sur le ton de la plaisanterie Drei liter .

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