Les reliques sacrées d'Hitler
Barberousse, qui fut un hôte fréquent du château de Nuremberg.
La vie du roi Frédéric avait consisté en une longue et interminable lutte : problèmes internes en Allemagne, troubles civils en Lombardie, dissensions avec le pape Alexandre III à Rome. Il avait entrepris six expéditions vers lâItalie et participé à la deuxième croisade, restée infructueuse, au cours de laquelle ses relations avec lâÃglise catholique romaine sâétaient détériorées. Frédéric avait été sommairement excommunié. En réponse, il avait proclamé son soutien à lâantipape Victor IV et voulu installer le siège de lâÃglise à Nuremberg, une tentative qui culmina au début du XII e  siècle avec plusieurs batailles sanglantes et la défaite de Frédéric.
Ironie du sort, souligna Horn, la défaite de Frédéric sâétait révélée plus rentable pour lui que ses succès militaires. Lâempereur confessa ses erreurs, et, la lance à la main, il sâagenouilla et baisa les pieds du pape. Fort de la bénédiction du pontife, Frédéric allait régner de nouveau sur un empire unifié. Comme pénitence pour son insolence passée, il prit part à la troisième croisade, qui marqua le premier retour de la lance sur les lieux de sa consécration plus de mille ans auparavant.
Le drame sâétait abattu sur Frédéric au cours de cette croisade. Le 10 juin 1190, au moment où son armée approchait dâun petit pont, on dit quâil traversa le premier au galop pour rejoindre son fils de lâautre côté à la tête de la garde avancée et plongea dans lâeau avec son cheval. Monture et cavalier furent balayés par le courant. Lâarmure pesante de Frédéric ne lui laissa aucune chance et il se noya. Une légende veut que la lance soit tombée de sa main dans lâeau au moment de sa mort.
La Sainte Lance disparut pendant cent cinquante ans, mais sa légende fit lâobjet dâun grand poème épique â Parzifal â par le chevalier allemand Wolfram von Eschenbach. Dans ce poème, la « lance saignante » serait à jamais liée au « calice sacré » et donnerait lieu à des mythes et légendes de toutes sortes qui imprégnèrent la littérature aussi bien sacrée que populaire et, plus tard, inspireraient à Richard Wagner, le compositeur favori dâHitler, lâopéra Parsifal .
Au XIV e  siècle, lâempereur Charles IV, dont la figurine était assise sur le trône de lâénorme Männleinlaufen de lâéglise Notre-Dame à Nuremberg, voua une grande admiration au poème dâEschenbach. Il avait souhaité trouver des parures similaires pour donner davantage de lustre à sa cour royale. Désireux de posséder à la fois le Saint-Graal et la Sainte Lance, il dépêcha des envoyés à travers son royaume pour mener une quête afin de les retrouver. Après une première tentative vaine, il encouragea ses chevaliers à sâaventurer plus loin. Ils ne trouvèrent pas le Saint-Graal, mais ils récupérèrent la Sainte Lance, ou tout au moins un fer de lance romain que lâempereur exposa à Nuremberg. La possession physique de lâobjet sacré par Charles avait apparemment suffi à convaincre la population quâil avait les capacités pour régner. La lance était devenue, à ce moment-là , moins un symbole de lâautorité chrétienne quâun élément de transfert du pouvoir, ou translatio imperii , dâun empereur romain germanique au suivant.
Sans quâon sache si la lance présentée était la même que celle vénérée à Milan, la lance de Charles IV était restée le bien sacré des monarques successifs pendant cinq siècles. Le fils de Charles IV, lâempereur Sigismond, voulant mettre fin à la querelle récurrente concernant les droits de propriété des joyaux de la Couronne, avait même fait réunir la lance et les autres insignes impériaux en une seule grande collection quâil avait envoyée à Nuremberg. Il avait été décidé par décret impérial que la collection ne serait plus conservée par lâempereur, mais
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