Les reliques sacrées d'Hitler
message nazi, les principaux bâtiments du château, qui comprenaient la salle des Chevaliers et la résidence impériale, furent réaménagés pour être utilisés par la hiérarchie nazie. Les écuries furent transformées en auberge pour les Jeunesses hitlériennes, et la chapelle du Roi, qui, durant des décennies, avait logé le gardien du château, fut à nouveau dédiée aux empereurs romains germaniques et aux chevaliers Teutoniques qui y avaient fait leurs dévotions.
Ici comme partout dans la vieille ville, les nazis voulaient persuader leurs visiteurs que lâancien royaume du Reich était un endroit grandiose, où des rois-soldats éclairés régnaient sur des commerçants prospères, des artisans et des musiciens vivant confortablement dans des maisons idylliques et bien tenues. Alors que, dans les temps médiévaux, les rues de la ville étaient un torrent de boue et de détritus où grouillaient des rats porteurs de maladies, des porcheries étaient accolées à la façade de presque toutes les maisons, et les murs de la ville ne servaient pas à la protéger seulement contre les invasions, mais contre lâinsécurité qui régnait à lâextérieur. Voleurs et brigands de tout poil y faisaient la loi, sans parler du cas célèbre de ces membres mécontents de la propre famille de lâempereur qui sâen prenaient à tous ceux qui sâaventuraient dans les forêts et les vallons prétendument idylliques de lâAllemagne médiévale.
Dans le royaume de conte de fées quâHitler et ses proches avaient créé à Nuremberg, il avait aussi apporté la Sainte Lance et les joyaux de la Couronne. Tel que Troche le décrivait, câétait comme si les chevaliers de la Table ronde étaient revenus à Avalon et que le roi Arthur, ou son jumeau maléfique, accompagné par Merlin â Himmler en personne â, était entré dans Camelot armé dâExcalibur.
Erwin Panofsky, le mentor de Horn et de Troche, aurait sans doute été scandalisé par la comparaison entre la conduite chevaleresque arthurienne et les pratiques criminelles du III e Reich. Mais il aurait sûrement eu grand plaisir à écouter les explications de Troche sur la prééminence de lâart et de lâarchitecture dans la culture que le régime nazi instaura à Nuremberg, non pas en raison des détails les plus mystiques, mais pour lâapproche de Troche : le paysage ou lâenvironnement était source dâinformations et donnait un sens à une Åuvre dâart. Les trésors anciens ne devraient pas être étudiés dans les musées, mais dans leur contexte dâorigine. Dans le cas de la Sainte Lance et des joyaux de la Couronne, la façon dont ils étaient exposés, vénérés et protégés à lâépoque médiévale avait influé directement sur la façon dont les nazis avaient voulu exposer, vénérer et se servir de ces trésors à lâépoque moderne.
Dans la cosmologie nazie, passé et présent se mélangeaient infiniment plus que Horn ne lâavait précédemment imaginé. Horn était fasciné, car sa spécialité consistait à montrer comment lâart et lâarchitecture imprégnaient la vie culturelle dâune ville et de ses habitants. Simplement, Horn sâétait limité jusque-là à lâétude de cultures anciennes disparues depuis longtemps. Jamais auparavant, il nâavait examiné au détail près comment les mêmes principes et les modes de recherche pouvaient avoir un lien si étroit avec les temps modernes.
Mais il y avait toujours la question des joyaux de la Couronne. Si Horn comprenait bien ce que disait Troche, les nazis attribuaient aux joyaux de la Couronne un statut mystique, et il fallait donc les abriter et les protéger soigneusement. Il était évident quâils les cacheraient lors de lâinvasion, comme cela avait été le cas à lâarrivée des troupes de Napoléon aux portes de Nuremberg. Et pourtant toute la collection nâavait pas été déplacée pendant que le royaume fantastique des nazis brûlait. Seuls cinq objets avaient été retirés du bunker, et celui qui aurait pu avoir le plus dâimportance pour
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