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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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humiliations,
des coups et des moqueries ! Il n’en pouvait plus des déserts et des
chameaux qui avançaient au son de stupides rengaines !
    Les soldats qui gardaient les tentes le prenaient pour un
fou doublé d’un imbécile, de même que les esclaves et la plupart des
caravaniers. Pour cette raison, ils avaient depuis longtemps arrêté de
surveiller ses faits et gestes ou ses heures de sommeil près de la tente. C’est
pourquoi, la nuit où ils campèrent à quelques lieues de Tremecén, Brahim n’eut
aucun mal à se glisser dans la tente d’Umar en rampant sous un côté. Père et
fils dormaient profondément. Il écouta la respiration cadencée de l’un et de
l’autre et attendit que ses yeux s’habituent au faible éclat des braises du feu
hors de la tente, autour desquelles sommeillaient trois gardiens. Il scruta
l’intérieur, les soies et les tapis, les luxueux vêtements du marchand et de
son fils… et distingua près d’Umar un petit coffre en métal serti de pierres
précieuses. En se traînant, afin d’éviter qu’on voie son ombre de l’extérieur,
il s’approcha d’Umar et prit le coffre avant de le reposer pour, de son unique
main, glisser à sa taille la dague magnifique du marchand. Alors il reprit le
coffre et sortit par où il était entré. Il se traîna hors de la tente et
comprit qu’il venait de se lancer un terrible défi : fuir ou mourir. S’il
était découvert… Il cacha le coffre dans ses habits, le noua vigoureusement à
sa taille et avança, recroquevillé, entre les chameaux et les personnes qui
dormaient : très lentement, pour empêcher qu’on entende tinter le contenu
du coffre, malgré le tissu qui l’enveloppait. Il arriva près de l’endroit où se
trouvaient les marchandises que transportaient les chameaux. Là aussi des
hommes de garde étaient postés. Il inspecta les alentours à la recherche d’un
foyer allumé pendant la nuit ; il en trouva un, se dirigea vers lui, se
déchaussa et introduisit une braise brûlante dans sa chaussure. Il retourna
près des marchandises et, caché non loin, attendit que les gardes s’éloignent
pour leurs rondes permanentes. Alors il lança la braise et la chaussure, qui
tombèrent entre des sacs où l’on devinait de riches tissus en soie. Sans
attendre les conséquences de son geste, il fila alors vers l’endroit où
dormaient, attachés, les chevaux d’Umar et de son fils.
    Il caressa les animaux pour qu’ils se calment et s’habituent
à sa présence ; ces bêtes-là, aucun problème, il les connaissait bien.
Plusieurs hommes dormaient tout près. Quand il estima que les chevaux
accepteraient ses manipulations sans protester et réveiller leurs palefreniers,
il les détacha tout doucement et mit le mors à celui d’Umar, qui avait réussi à
battre une autruche à la course. Puis il attendit, caché. Quelqu’un allait
donner l’alarme. Le temps s’écoulait lentement sans qu’il ne se passe rien.
Brahim imagina l’alfange d’Umar sur son cou, châtiment certain pour ce qu’il
venait de commettre. Soudain, le premier cri retentit, aussitôt suivi par
beaucoup d’autres. Une immense fumée dense, encore sans flammes, montait dans
l’obscurité depuis le tas de marchandises. Les hommes bondirent au moment où
les flammes, impressionnantes, rugissaient, libérées, surprenant même Brahim,
tandis que le chaos s’emparait du camp. Il perdit quelques instants, en extase
devant cette langue de feu rouge intense qui semblait vouloir lécher le ciel.
    — Que fais-tu avec les chevaux ? lui cria le valet
d’écurie en charge des animaux et qui, au lieu de se diriger vers le feu, était
accouru auprès d’eux.
    Brahim se ressaisit et tenta de l’embobiner par une grimace
grotesque. Alors que le jeune garçon regardait son visage, étonné par sa
réaction, il tira la dague et la lui enfonça dans la poitrine. Ce serait la
dernière pitrerie de sa vie, se promit-il en montant d’un coup sur le cheval, à
cru, une chaussure en moins.
    Et, pendant que les gens couraient dans tous les sens en s’efforçant
d’éteindre le feu, Brahim partit au galop en direction du nord, le cheval de
Yusuf à ses côtés, dans son sillage. En quelques instants, chevaux et cavalier
s’évanouirent dans la nuit.
     
    Il arriva à Tétouan presque à la fin du mois d’octobre 1574,
après des jours de chevauchée depuis Tremecén. Il avait évité les chemins,
s’était laissé guider par son instinct et son

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