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Les révoltés de Cordoue

Les révoltés de Cordoue

Titel: Les révoltés de Cordoue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ildefonso Falcones
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sanctuaire.
    — Sortez du temple ! exigeaient les gardes en
haussant la voix, sans toutefois crier.
    Il referma la grille. À sa gauche, derrière un magnifique
tapis, se cachait l’armoire mentionnée par don Julián.
    Hernando était fasciné par les reflets que la lumière des
lampes à huile qui pendaient du plafond de la cathédrale, ainsi que des
milliers de bougies scintillant dans les chapelles des autels, arrachait au
marbre blanc de l’intérieur de la chapelle. Il était passé d’innombrables fois
devant cette chapelle mais soudain, alors qu’il effleurait du bout des doigts
le marbre de l’autel et du retable qui couvrait la totalité du mur de devant,
il percevait la différence entre elle et toutes les autres. La chapelle de San
Barnabé était un bijou dans ce style roman si difficile à introduire sur des
terres régies par le roi Philippe, catholiques jusqu’au paroxysme. Les
différentes scènes des retables de marbre blanc avaient été sculptées par un
maestro français, et elles rivalisaient avec la profusion de couleurs, les
moulures dorées et les images sombres ou apocalyptiques qui ornaient le reste
de la cathédrale.
    Hernando respira profondément, dans une tentative pour
s’imprégner de la sérénité et de la beauté qui régnaient à cet endroit. Il
entendit que les gardes, après avoir fermé les portes d’accès à la cathédrale,
revenaient et vérifiaient les grilles des chapelles. Il entendit leurs rires et
leurs commentaires, bondit jusqu’au tapis et s’enferma dans l’armoire au moment
où les hommes apparaissaient devant la chapelle.
    Cette nuit-là, il resta dans sa cachette. Vaincu par la
fatigue, par les nombreuses nuits peuplées de douloureux cauchemars, il se
pelotonna par terre et s’abandonna au sommeil. Le vacarme qui se produisit à
l’aube dans la cathédrale le réveilla, et il ne lui fut pas difficile de sortir
de la petite armoire : les offices de prime se déroulaient sur le
maître-autel et dans le chœur, de l’autre côté de la grande construction
derrière laquelle se trouvait la chapelle. Pour qu’on ne l’attrape pas avec, il
cacha les clés, qu’il attacha avec un fil de fer sous le barreau inférieur de
la grille.
    Craignant d’être découvert, il ne quitta pas non plus
l’armoire tout au long des nuits suivantes : il dormait à moitié assis,
jambes ramassées, sommeillant debout ou simplement pleurant Fatima, ses
enfants, Hamid et tous ceux qu’il avait perdus. Il avait ensuite toute une
journée d’ennui pour récupérer des forces. Il s’était éloigné de ses compagnons
de la première nuit sans plus d’explications, indifférent à leur curiosité et
un matin, à l’écart des autres, se sachant observé, il vit qu’on expulsait
définitivement Mesa, le voleur de cédules, pour le livrer à la justice
séculière, dont les alguazils étaient postés, aux aguets, devant la porte du
Pardon. Aisha avait fait appel à des frères fidèles de la communauté pour
apporter à manger à Hernando et, chaque jour, un Maure arrivait dans le verger
avec des aliments. Aisha avait dû également trouver refuge auprès des Maures
quand, sans ménagement, le conseil de la cathédrale l’avait chassée de la
maison de la calle de los Barberos pour loyer impayé.
    — Pour couvrir tous les loyers en retard, ils ont saisi
tout ce que nous avaient donné nos frères, sanglota-t-elle. Les paillasses, les
casseroles…
    Hernando ne l’écoutait plus. Il sentait que le dernier fil
qui le reliait encore à sa vie antérieure venait de se rompre ; le lieu où
il avait trouvé un bonheur qui, apparemment, était interdit aux partisans de la
foi unique.
    — Et le Coran ? l’interrompit-il soudain, parlant
fort, sans prudence.
    Aisha, surprise, regarda d’un côté puis de l’autre pour voir
si quelqu’un avait entendu son fils.
    — Je l’ai donné à Jalil dès qu’on m’a prévenue de
l’expulsion.
    Aisha marqua une pause.
    — Ce que je ne lui ai pas donné, c’est ça.
    À cet instant, discrètement, elle fit glisser entre les
doigts de son fils la main de Fatima, le petit bijou en or que sa femme portait
juste à la naissance des seins. Hernando caressa le joyau, et l’or lui sembla
terriblement froid au toucher.
    Cette nuit-là, caché dans l’armoire de la chapelle de San
Barnabé, les larmes aux yeux, il embrassa mille fois la main de Fatima. Le
parfum de son épouse était encore vif à son esprit et ses mots

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