Les révoltés de Cordoue
la
découverte du parchemin dans la Torre Turpiana, malgré un séjour qui devenait
de plus en plus inconfortable dans le palais. Le conseil de la cathédrale de
Grenade avait précisément chargé Luna et Castillo de la traduction. Quant à
Hernando, il venait enfin de réussir à trouver, à la pointe des plumes, le
point subtil de courbure vers la droite. Comme si sa main servait Dieu, il
était parvenu à dessiner sur le papier les plus merveilleuses lettres qu’il eût
jamais imaginées.
En septembre de cette année-là, alors que toute l’Espagne,
derrière son roi, pleurait la déroute de la Grande Armada, un jeune juif de
Tétouan, pourvu de cédules falsifiées qui l’accréditaient comme marchand
d’huiles de Málaga, arriva à Cordoue en même temps qu’une caravane à laquelle
il s’était joint à Séville.
Après avoir passé la douane à la tour de la Calahorra,
tandis qu’il franchissait le pont romain à pied, au côté de quelques mules, le
jeune juif fixa du regard la grande œuvre qui s’étendait juste devant eux,
au-delà du pont et de la porte d’accès à la ville. Il se souvint des paroles de
son père :
— Devant le pont tu verras la Grande Mezquita sur
laquelle les chrétiens construisent leur cathédrale, lui avait expliqué ce
dernier avant son départ, non sans lui avoir répété les indications de Fatima.
Il lui avait parlé en espagnol afin de lui rappeler la seule
langue qu’il convenait d’utiliser pour traiter avec les chrétiens.
Et maintenant il était là !
Le fils d’Efraín, qui portait le même nom que son père,
ralentit le pas devant la structure monumentale qui s’élevait au-dessus du toit
bas de la mezquita, avec ces majestueux arcs-boutants dans l’attente du
ciborium et de la coupole qui devaient couronner le temple.
— Sur la façade principale de la cathédrale, de l’autre
côté du fleuve, où s’élève le clocher, avait continué son père, il y a une rue
qui monte jusqu’à la calle de los Deanes, puis à une rue appelée d’abord la
calle de los Barberos et ensuite calle d’Almanzor…
La voix du vieux juif avait tremblé.
— Que se passe-t-il, père ? s’était inquiété
Efraín, posant sa main sur son bras.
— Ce quartier où tu dois aller, avait-il expliqué après
s’être raclé la gorge, est précisément l’ancien quartier juif de Cordoue, d’où
nous ont expulsés les chrétiens il n’y a pas un siècle.
La voix de l’ancien s’était remise à trembler. Fatima lui
avait expliqué où était située la maison dans laquelle ils vivaient et il
l’avait écoutée avec patience. Combien de fois avait-il entendu la description
de ces rues de la bouche de son grand-père !
— C’est là que sont tes racines, mon fils. Respire-les
et rapporte-moi un peu de leur parfum !
La femme qui le reçut dans la maison ne lui donna aucune nouvelle
de cet Hernando Ruiz, nouveau-chrétien de Juviles, à qui il devait remettre la
lettre qu’il cachait sous sa chemise. Mais en plus, quand le garçon insista sur
le fait qu’une famille maure avait vécu auparavant dans cette demeure, elle le
renvoya sans ménagement.
— Aucun hérétique n’a jamais foulé le sol de cette
maison ! cria-t-elle.
Et elle referma la porte qui donnait sur le patio.
« Si pour une raison ou une autre tu ne le trouves pas,
lui avait indiqué son père, tu devras aller aux écuries royales. Selon la dame,
là-bas on te donnera certainement des nouvelles de lui. » Efraín demanda
son chemin, fit marche arrière, passa devant l’alcázar et parvint aux écuries.
— J’ignore de qui tu me parles, lui répondit un garçon
rencontré dès qu’il eut franchi le portail d’entrée, mais s’il s’agit d’un
nouveau-chrétien, demande au maréchal-ferrant. Jerónimo saura certainement de
qui il s’agit ; il travaille ici depuis des années.
Efraín passa l’entrée, la grande salle des box, et atteignit
le manège central où plusieurs écuyers dressaient des poulains. Le jeune juif
s’arrêta quelques instants. Comme ces animaux étaient différents des petits
chevaux arabes de sa terre ! De l’entrée, le garçon attira son attention
et lui fit signe de continuer vers la forge. Pourquoi ce Jerónimo
détiendrait-il des informations sur un nouveau-chrétien ? se demanda-t-il
en allant à sa rencontre. Les traits arabes du maréchal-ferrant lui donnèrent
la réponse. Ce dernier le reçut avec un sourire, qui
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