Les révoltés de Dieu
Jésus ignore superbement ses parents qui le cherchent désespérément et il
exprime sa sagesse profonde devant les tenants de l’orthodoxie hébraïque. Il
affiche des idées qui ne sont guère conformes à celles qui avaient cours à son
époque et se présente réellement comme un théologien révolutionnaire. D’où
tient-il cette révolte ? La question est sans objet si l’on admet que cet
enfant est réellement Dieu incarné .
Mais les évangiles canoniques se font également l’écho de la
violence de Jésus dans certains épisodes qui, pour avoir été édulcorés, n’en
sont pas moins révélateurs de son caractère intransigeant. Le plus connu est
celui où Jésus, envahi par une indicible colère, chasse les marchands du Temple :
« Entrant dans le Temple, Jésus se mit à chasser ceux qui achetaient et
vendaient dans le Temple ; il renversa les tables des changeurs et les
sièges des marchands de colombes et il ne laissait personne traverser le Temple
en portant quoi que ce soit. » Et il s’écrie : « Ma maison sera
appelée Maison de Prière pour toutes les nations .
Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits. » ( Marc, XI, 15-17 T. O. B. )
Le récit de Jean est encore plus explicite : « La
Pâque des Juifs était proche et Jésus monta à Jérusalem. Il trouva dans le
Temple les marchands de bœufs, de brebis et de colombes ainsi que les changeurs
qui s’y étaient installés. Alors, s’étant fait un fouet avec des cordes, il les
chassa tous du Temple, et les brebis et les bœufs ; il dispersa la monnaie
des changeurs, renversa leurs tables ; et il dit aux marchands de colombes :
ôtez tout cela d’ici et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de
trafic. » ( Jean, II, 13-16, T. O. B .) Et comme les juifs, profondément choqués, lui
demandent de quel droit il fait cela, il leur répond : « Détruisez ce
Temple, et en trois jours je le relèverai. » ( II,
19 .) Les juifs objectent alors par une interrogation qui laisse passer
leur embarras : « Il a fallu quarante-six ans pour construire ce
Temple et toi, tu le relèverais en trois jours. » ( II, 20. )
Il y a évidemment une allusion à sa résurrection dans les paroles
de Jésus, d’où l’incompréhension de ses interlocuteurs. Mais il ne suffit pas
de prendre à la lettre cette anecdote qui, de toute façon, sera de nature à
confirmer les Juifs traditionalistes dans leur volonté d’éliminer Jésus comme
fauteur de troubles, sacrilège et, comme on le dit vulgairement, empêcheur de
tourner en rond. C’est pourtant bien le cas. Jésus annonce froidement qu’il va
détruire la religion juive et en mettre une autre à la place. C’est une
attitude de révolte absolue qui ne peut être niée.
Mais il y a encore mieux dans l’expression de cette révolte :
« N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ;
je ne suis pas venu apporter la paix, mais bien le glaive. Oui, je suis venu
séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa
belle-mère ; on aura pour ennemis les gens de sa maison. » ( Matthieu, X, 34-36, T. O. B .) Et l’évangile de Luc renchérit sur ce thème :
« Pensez-vous que ce soit la paix que je suis venu mettre sur la terre ?
Non, je vous le dis, mais plutôt la division. Car désormais, s’il y a cinq
personnes dans une maison, elles seront divisées : trois contre deux et
deux contre trois. On se divisera père contre fils et fils contre père, mère
contre fille et fille contre mère, belle-mère contre belle-fille et belle-fille
contre belle-mère. » ( Luc, XII, 51-53, T. O. B .) Charmant
programme ! On ne peut pas mieux exprimer le trouble et la violence que de
tels propos suscitent. Assurément la révolte couve contre un « ce qui va de soi » établi depuis toujours, soi-disant
inspiré par Dieu lui-même, et surtout édicté par ceux qui s’arrogent le droit
de parler en son nom. Et cette révolte n’est pas près de s’éteindre. D’ailleurs
Jésus dit encore : « C’est un feu que je suis venu apporter sur la
terre, et comme je voudrais qu’il fût déjà allumé ! » ( Luc, XII, 49, T. O. B .)
Mais pour ce qui est de la violence du « bon Jésus »
des « bonnes sœurs » et des sermons lénifiants, il y a encore bien
pire. Cela n’est exprimé que chez un seul des évangélistes canoniques, Luc ( XIX, 27 ) : « quant
à mes ennemis, ceux qui
Weitere Kostenlose Bücher