Les révoltés de Dieu
on le sait. En
deuxième lieu, la non moins célèbre « adoration des Mages » – qui ne
sont certes pas des rois ! – représente tout l’apport de la religion
iranienne, le mazdéisme en particulier [136] , d’origine nettement
indo-européenne puisque la Perse était peuplée par des Sarmates, des Mèdes et
des Scythes. Enfin, la « fuite en Égypte » est la reconnaissance de
tout ce que doit le christianisme naissant aux doctrines ésotériques qui
fleurissaient dans une Égypte hellénistique et alexandrine.
Cependant, après la mort d’Hérode le Grand, Joseph, Marie et
Jésus reviennent en Galilée, toujours accompagnés, si l’on en croit le Pseudo Matthieu , par l’un des fils de Joseph, Jacques,
que Jésus désignera plus tard comme son successeur à Jérusalem. Alors, dans le
récit des « enfances » de Jésus, tout devient confus. L’évangile de
Luc fait de l’Enfant Jésus un modèle de sagesse, de vertu et d’obéissance dans
le cadre de la « Sainte Famille », mais la vision qu’en donnent les
apocryphes est quelque peu différente. Jésus y apparaît non pas comme un « petit
ange » mais comme un enfant têtu, révolté contre la société, parfois d’une
incroyable violence, mais doué d’une intelligence déroutante pour son entourage.
Ainsi, un jour de sabbat, Jésus creuse une sorte de canal où
il fait couler l’eau d’un ruisseau, prend de l’argile et en façonne des oiseaux.
Un Pharisien qui passe par là lui reproche de se livrer à cette activité
prohibée pendant le sabbat et va se plaindre à Joseph. Celui-ci le réprimande :
avec insolence, Jésus fait envoler les oiseaux auxquels il a donné vie. Mais le
fils d’un scribe se trouve là, et voulant manifester sa réprobation, « prenant
une branche de saule, il fit s’écouler les eaux que Jésus avait rassemblées et
assécha les flaques ». Jésus se met en colère et dit au scribe :
« Que ton rejeton soit sans racine et que ton fruit devienne aride comme
une branche arrachée par le vent. » « Et aussitôt, cet enfant se
dessécha. » ( Histoire de l’enfance, II, III. )
« Une autre fois, Jésus marchait avec son père, et un enfant, en courant, lui
heurta l’épaule. Et Jésus lui dit : Tu ne continueras pas ton chemin !
Et aussitôt l’enfant tomba mort. » ( Ibid., IV .)
De plus, l’enfant affiche un mépris total pour les maîtres auxquels on le
confie. L’un de ceux-ci, Zachée, lui demande de réciter l’alphabet. Jésus
refuse de répondre. Le maître le frappe sur la tête. Alors Jésus lui dit :
« Si on frappe une enclume, c’est ce qui la frappe qui reçoit le coup le
plus dur. Je peux te dire que tu parles comme un airain qui retentit et une
cloche qui résonne, qui ne peut pas parler, et n’a ni science ni sagesse. »
( Ibid., VI )
Ce n’est certes pas l’image stéréotypée du « bon Jésus »
telle qu’elle a été répandue au cours des siècles et particulièrement dans ce
qu’on appelle les « saint-sulpiceries ». Mais les existants humains ne sont ni bons, ni mauvais :
ils sont les deux. Cette violence de Jésus ne l’empêche nullement d’accomplir
des miracles en faveur de ceux qui le méritent. Ainsi, « un jour que Jésus
était en train de jouer sur le toit avec des enfants, un des enfants tomba et
mourut. À cette vue les enfants s’enfuirent. Et Jésus resta seul ». Bien
entendu les parents de l’enfant mort, connaissant son caractère colérique, l’accusent
d’avoir poussé son camarade. Mais Jésus descend près du mort et lui dit : « Zénon,
est-ce que c’est moi qui t’ai fait tomber ? » À ces mots, l’enfant se
lève et répond : Non, mon Seigneur. » ( Ibid.,
IX ) Quant au récit connu sous le titre de Vie
de Jésus en arabe , il abonde en anecdotes qui présentent Jésus enfant
guérissant des incurables, ressuscitant des morts et chassant des démons, mais
n’oubliant jamais de tenir tête aux scribes et aux prêtres qu’il accuse de ne
rien savoir et de tromper le peuple. Son attitude, telle qu’elle est présentée
dans ces textes apocryphes, est toujours celle d’un révolté, à la fois contre l’ordre
établi, contre certaines coutumes, et finalement contre la vision habituelle
que le peuple juif a de Dieu, autrement dit le « ce qui va de soi ».
On en a un exemple dans les évangiles canoniques de Matthieu
et de Luc, avec l’épisode bien connu de « Jésus au milieu des docteurs ».
Là,
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