Les révoltés de Dieu
n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et
égorgez-les en ma présence » (trad. Bible
de Jérusalem ). Cette exhortation, qui est un ordre, se trouve placée à
la fin de la « parabole des mines », qui semble un doublet de la « parabole
des dix talents », la plus connue, à la fin de laquelle on fait dire à
Jésus au sujet du serviteur qui a enterré son talent : « Jetez-le
dehors dans les ténèbres : là seront les pleurs et les grincements de
dents. » ( Matthieu, XXV, 30 .) Que vient
donc faire cette conclusion perdue à la fin d’une parabole avec laquelle elle
semble n’avoir aucun rapport ? Les exégètes du Nouveau Testament sont
muets sur ce point, tellement elle est embarrassante et tellement elle paraît
contraire à la doctrine chrétienne du pardon envers ses ennemis et de l’amour
universel des êtres et des choses. Mais le texte existe, et il est redoutable. On
peut y discerner ce qui caractérisera plus tard le christianisme intolérant, agressif
et cruel qui a motivé les croisades (« Tuez les infidèles, et si vous mourez
vous-mêmes, vous entrerez immédiatement dans le royaume des Cieux ! »),
la lutte contre les cathares (« Tuez-les tous et Dieu reconnaîtra les siens ! »),
l’Inquisition avec ses bûchers et ses tortures, ainsi que les atrocités de la
Saint-Barthélemy. Et que dire du fanatisme islamiste contemporain, conséquence
d’une lecture fondamentaliste du Coran et d’une interprétation à la lettre de
ce qu’on appelle abusivement la « guerre sainte » ?
Est-ce que les paroles de Jésus appartenaient réellement à
la tradition juive ? La question se pose. En interprétant les fables
évangéliques, on peut mettre en évidence les influences iraniennes (les Mages) et
les influences égyptiennes (la fuite en Égypte) qui se sont mêlées au fonds
proprement hébraïque (l’adoration des bergers), pour tenter d’expliquer ou de
justifier les dissonances contenues dans les écrits néo-testamentaires. Mais ce
n’est pas suffisant. Il faut y ajouter que la doctrine chrétienne a surgi
lentement à partir d’une maturation opérée en grande partie par saint Paul, autrement
dit Saul de Tarse, juif de culture grecque et citoyen romain. L’apport de la
philosophie grecque, notamment des néo-platoniciens, est essentiel, ainsi que
celui des diverses religions à mystères qui se sont développées à l’époque
hellénistique et qui ont perduré sous l’Empire romain. Il y a là une incroyable
synthèse, pour ne pas dire un syncrétisme, qui s’est étendue ensuite vers un
Occident déjà marqué par l’empreinte de la religion celtique druidique.
On est en droit d’émettre des hypothèses. Étant donné qu’une
longue période de la vie de Jésus, située entre sa quinzième année et le moment
où il reçoit le « baptême » dispensé par Jean le Précurseur, n’a
jamais été prise en compte par les évangélistes, ni par les auteurs de récits
apocryphes, les spéculations sont allées bon train. Sans aucune preuve, et même
sans la moindre présomption, on a pu prétendre que Ieshoua
ben Iosseph était allé en Inde et avait reçu l’initiation brahmanique [137] .
On ne voit pas pourquoi il n’aurait pas fait ce voyage vers l’Orient sur les
traces du conquérant Alexandre le Grand. Cela reste dans le domaine des
possibilités. Mais rien, absolument rien, ne vient confirmer cette thèse. De
même, une tradition tenace de l’Angleterre du Sud-Ouest, en Cornwall, Devon et
Somerset, tradition appuyée par l’Église anglicane, prétend que Jésus, neveu ou
petit-neveu de Joseph d’Arimathie, serait venu dans cette région et aurait eu
des contacts avec les druides qui tenaient encore un haut rang à cette époque.
Cette thèse n’a aucun fondement historique ni même évangélique,
mais elle s’appuie d’une part sur deux textes apocryphes – de tendance
gnostique – l’ Évangile de Nicodème et les Actes de Pilate , d’autre part sur la légende
arthurienne d’origine celtique et localisée effectivement autour de la baie qui
sépare les côtes de Cornwall du Pays de Galles.
Selon cette tradition, incontrôlable mais encore vivante, c’est
au cours de ce voyage que Jésus aurait maturé sa pensée didactique auprès des
druides et aurait pu ainsi livrer des « visions » en rupture complète
avec l’idéologie de l’époque. En effet, les autorités religieuses juives
refusaient tout ce qui
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