Les Roses De La Vie
récidivé,
ayant participé à la première guerre de la mère et du fils.
— Monsieur, ce détail est presque trop joli.
L’avez-vous inventé ?
— Nullement. Si vous n’avez fiance en moi, demandez à
Héroard ce qu’il en est. Il fut témoin de cet agenouillement. Avec votre
permission, je poursuis. Après que les ducs eurent demandé pardon, les mesures
prises contre eux furent abolies.
— Et il n’y eut rien d’autre que cette abolition ?
— Si ! L’accueil du roi aux ducs repentis :
la froidure même.
— Quoi ? Point d’arrestation ? de
procès ? de Bastille ? de décapitation ?
— Belle lectrice, avez-vous fait ce rêve ? un duc
et pair condamné à mort !
— Henri IV fit bien périr Biron.
— Mais Biron n’était duc et pair que de fraîche date,
et n’appartenait pas à une grande lignée. En outre, il fit traîtreusement
alliance avec l’Espagne et il avait de grands talents militaires. Il était donc
une très sérieuse menace pour le roi, et après sa mort, pour son fils. Même
alors, son exécution fit scandale.
— Si je vous entends bien, les ducs et pairs sont quasi
intouchables.
— À peu, en effet, qu’ils ne le soient.
— Et au nom de quoi ?
— Le sang, belle lectrice ! Le sang ! Le
respect du sang ! Comment voulez-vous condamner à mort le duc de
Longueville qui, de par son lointain ancêtre, le bâtard d’Orléans, a du sang
royal dans les veines ?
— Mais n’est-ce pas un grand péril pour l’État que
cette impunité ?
— Grandissime ! Et c’est pourquoi la constante
préoccupation de Louis sa vie durant fut d’abaisser les Grands.
— Je croyais que c’était là l’idée de Richelieu.
— Richelieu, Madame, la formula et implacablement
l’exécuta. Mais le roi, avant lui, la conçut.
— Un mot encore, Monsieur. Pourquoi appelle-t-on
« drôlerie » des Ponts de Cé la bataille qui vit la déroute des
Grands et de la reine-mère ?
— C’est un terme de dérision et je ne sais qui
l’imagina. Pourtant ce ne fut pas une « drôlerie » pour ceux qui y laissèrent
leurs bottes : quatre cents soldats du côté de la reine, et cinquante
gentilshommes. Ces pauvres gens moururent pour rien.
— Et la reine ?
— La reine-mère déclara urbi et orbi qu’elle ne
ferait plus jamais confiance aux princes français et ajouta – oyez
bien ceci, belle lectrice – qu’elle ne voulait plus être séparée du roi
son fils.
— Propos touchant, quand on sait ce qu’on sait…
— Belle lectrice, vous riez déjà de ces paroles.
Qu’allez-vous dire quand vous saurez que Richelieu, dans le même esprit
chattemite, déclara, en parlant de la reine : Elle se réjouit du
malheur de ses armes. Comme vous n’avez pas failli de l’observer, c’est un
alexandrin et il serait digne de figurer dans une tragédie, si l’idée n’en
était pas si comique.
— Monsieur, une question, de grâce ! La reine-mère
va donc revenir en Paris ?
— Oui-da ! Dans les appartements de plain-pied
avec la cour du Louvre que j’ai déjà décrits.
— N’est-ce pas Monsieur votre père qui a dit :
« Louis préfère l’avoir dans son carrosse plutôt qu’elle demeure dehors et
ameute les brigands contre lui » ?
— En effet, c’est mon père.
— Mais il me semble, Monsieur, que même à l’intérieur
d’un carrosse, une dame de sa disposition peut faire la zizanieuse.
— C’est à craindre, hélas !
— Une dernière question. Monsieur. Vous allez-vous
marier ?
— Question que nul autre qu’une dame n’aurait pensé à
me poser.
— Est-ce une raison pour ne pas répondre ?
— N’est-ce pas une chose étrange, Madame, que les dames
dressent l’oreille et frétillent de la tête aux pieds dès qu’il est question de
mariage, alors qu’elles ont si peu à s’en louer, lamentant à l’accoutumée le
péril des couches, la perte de leur beauté, l’incommodité des enfants, la
tyrannie d’un mari ou son indifférence.
— Cela est vrai. Mais vous ne m’avez toujours pas
répondu.
— Jour de Dieu, Madame, comme vous me pressez !
— Mais encore ?
— Eh bien, j’y songe qui-cy qui-là.
— Et en attendant, vous vous contentez de Louison.
— Il serait plus aimable pour elle et d’ailleurs plus
vrai, Madame, de dire qu’elle me contente.
— Une soubrette !
— Une soubrette qui a tant de qualités que je désespère
de trouver les mêmes chez une
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