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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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qu’étant raffolé
de tout ce qui était ouvrage militaire (le lecteur se souvient sans doute
qu’étant enfant, il avait travaillé seul, pendant des jours, à construire un
fort en terre à Plessis-lès-Tours), il allait monter jusqu’au fort des Lunes
qui domine le Pollet. Mais il y avait là un bien autre aimant : la
mer ! Et d’autant qu’elle était tempétueuse et déferlait en flots énormes
qui portaient leurs embruns et écumes loin au-dedans des terres. Louis démonta
de cheval dans le vallon et s’approcha aussi près qu’il put des rochers sur
lesquels le flot se brisait. Il s’amusa à esquiver les vagues qui, heurtant
l’obstacle, montaient en gerbes folles vers le ciel et retombaient de notre
côté. Mais il arriva ce qu’il avait sans doute prévu. Surpris par l’une d’elles,
il fut mouillé de la tête aux pieds, en rit aux éclats et en fit aussitôt un
jeu, poussant sous les déferlements ceux de sa suite qu’il put atteindre. Il
était près de cinq heures quand, à nos instantes prières, il cessa de s’ébaudir
ainsi, et consentit à rentrer au logis où, devant un grand feu, il fut débotté
et séché et gloutit son souper à dents aiguës. Il se coucha à neuf heures et
tant il se sentait heureux que son sommeil, chose rarissime, le dormit dix
heures file à file.
    Le trente novembre, veille de notre départir, la bonne
hôtesse, en me venant porter elle-même mon déjeuner, alors que j’étais au lit,
m’aborda, les joues gonflées d’une demande qu’elle n’osait formuler. Elle était
bien différente de l’alberguière des Deux Pigeons, mais non moins
accorte, quoique dans de plus grandioses proportions. Bien que l’enseigne de
son auberge fût À l’Écu de Bretagne, la dame se paonnait haut et dru
d’être normande, et à la voir, on ne pouvait douter de ses ancêtres vikings,
tant grande, blonde et forte elle était, bâtie à chaux et sable, et les tétins
comme ces boucliers dont les drakkars étaient garnis.
    L’ayant encouragée à me parler à la franche marguerite, elle
me confia qu’en ses jeunes années son père l’avait présentée à Henri IV,
qui leur avait fait l’honneur de séjourner en son auberge, et que le bon roi
Henri, au départir, l’avait baisée sur les deux joues. Depuis, elle avait
interdit à quiconque, même à son mari, de la baiser là.
    Là-dessus, elle s’arrêta, et il me fallut l’encourager prou
pour qu’elle me dise enfin qu’elle voulait que je la présentasse à Louis,
puisqu’il était sur son partement.
    — Mais ce n’est pas à moi, M’amie, de vous présenter à
Sa Majesté. C’est à Monsieur de Bonneuil.
    — Et où se trouve à’steure Monsieur de Bonneuil ?
    — À Rouen.
    — À Rouen ! dit-elle avec désespoir. Mais,
reprit-elle, vous-même, Monsieur le Chevalier…
    — Cela ne se peut : je sortirais de mon rollet.
    — Et Sa Majesté vous parlerait avec les grosses
dents ?
    — M’amie, il ne dirait mot. Un simple regard suffirait.
    — Jésus ! A-t-il le regard si intimidant ?
    — Il l’est, dans les occasions.
    — Bonne Vierge ! N’y a-t-il personne parmi ces
beaux seigneurs qui ose me présenter à lui ?
    — Si fait, dis-je après un moment de silence, il y en a
un. Ou plutôt il y en a une.
    — Qui donc ?
    — Mathurine.
    — Mathurine ! s’écria l’hôtesse, l’œil révulsé, la
lèvre tremblante et portant la main à son cœur.
    La main était vaste, mais le cœur aussi, et elle fut un
moment avant de reprendre son souffle.
    — Mathurine ! reprit-elle, comme indignée.
Mathurine ! Une naine ! Une créature du diable !
    — Et d’où prenez-vous cela, ma commère ? dis-je en
sourcillant. Les nains sont bien au rebours les créatures de Dieu et fort aimés
de lui ! S’il les a faits si petits, c’est pour qu’ils passent plus
facilement par la porte étroite qui mène en son paradis.
    — Cela est-il constant ?
    — Je vous l’assure, dis-je, doutant quelque peu en mon
for de ma théologie, car Mathurine était fort espiègle et jouait des tours à
tout un chacun.
    Cependant, son cœur était sans malice et elle le prouva une
fois encore en acceptant de prendre l’hôtesse par la main et de la mener au roi
tandis qu’il était à son dîner, botté déjà, et prêt à se mettre en selle.
    — Louis, dit Mathurine, je veux te présenter cette grande
bagoulière d’hôtesse, laquelle a autrefois connu le roi ton père, lequel

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