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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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du
roi est composée de juges qui possèdent tous des petites seigneuries, où ils
aiment chasser et, en conséquence, ils abhorrent les braconniers.
    — Pouvez-vous m’en dire davantage sur le château,
Monsieur mon père ?
    — Nous l’avons trouvé en bien meilleur état qu’on ne
l’avait dit : les toitures, intactes, les murs, sains, les poutres,
solides. Le couteau de La Surie ne s’est pas enfoncé dans les poutres, ce qui
est bon signe. Les fenêtres et les contrevents sont veufs de peinture, mais,
Dieu merci, ils ferment. L’inquiétant c’est que nous y avons trouvé si peu de
meubles que nous avons soupçonné Rapinaud d’en avoir vendu quelques-uns. Nous
avons alors commis un huissier pour mettre le château sous scellés.
    — Monsieur mon père, dis-je avec un sourire, c’était là
un acte illégal, puisque votre fils n’a pas encore acheté.
    — Détrompez-vous. Sur le bruit que Rapinaud s’agitait
contre la préemption du roi en votre faveur, j’ai signé en votre nom une
promesse d’achat et versé en acompte dix mille livres à Madame d’Orbieu. Me
suis-je trop avancé ?
    — Nullement, puisque je m’étais remis en toute fiance à
votre examen.
    — Et au mien, dit La Surie qui n’aimait pas qu’on
l’oubliât.
    — Je n’en doute pas, Monsieur le Chevalier, dis-je avec
un salut.
    — Et vous avez raison, poursuivit La Surie avec un petit
brillement de son œil marron, tandis que son œil bleu restait froid. Avec votre
permission, je vous dirai le train dont sont allées les choses entre Monsieur
le marquis et moi-même dans cette visite du domaine.
    — Je vous ois.
    — Monsieur le marquis examina et moi, j’ai fureté.
    — Fureté ?
    — Par exemple au moulin d’Orbieu.
    — Oyez bien ceci, mon fils, dit mon père. Le conte en
est fort plaisant.
    — Au moulin d’Orbieu, dit La Surie (qu’il ne fallait pas
beaucoup prier pour qu’il vantât ses exploits), tandis que le curé Séraphin en
expliquait le mécanisme à votre père, moi, je promenai mon nez un peu partout.
Et c’est ainsi que je découvris dans un coin un petit placard fermé à clé. Je
l’ouvris.
    — Sans clé ? dis-je.
    — Où serait le mérite ? Et je découvris deux
boisseaux apparemment d’égale capacité, l’un contenant encore un peu de blé et
l’autre un peu de farine.
    — Je ne vois là rien d’étonnant, dis-je. L’un mesure le
blé que le laboureur apporte au seigneur et l’autre, la farine que le meunier
rend, après moulure, au manant, en retenant, pour prix de son service, si je ne
m’abuse, de cinq à dix boisseaux sur cent.
    — En effet, dit La Surie et il n’y a pas là merveille.
Elle apparut cependant, quand j’eus examiné l’un et l’autre boisseau. Ils
étaient, comme j’ai dit, extérieurement de même capacité, mais en en mesurant,
avec une paille, la profondeur de l’intérieur, je découvris que le boisseau de
farine était d’un cinquième moins profond que le boisseau de blé : le fond
avait été fort astucieusement surélevé.
    — Et pourquoi cela ? dis-je, béant.
    — À chaque boisseau de farine qu’il rendait au manant,
le meunier, en l’occurrence l’intendant, prélevait, à l’insu du pauvret, un
cinquième de plus que sa part.
    — Sauf que l’intendant se volait lui-même, quand il
prélevait les cinq ou dix boisseaux qui constituaient la part légitime du
seigneur.
    — Avez-vous fait ce rêve ? Cette part-là – la
part du maître – était prélevée au moyen d’un troisième boisseau, lequel
portait majestueusement les armes du comte d’Orbieu. Il n’était, lui,
aucunement truqué.
    — Que fîtes-vous alors ?
    — Nous confiâmes les trois boisseaux à l’huissier, qui
les mit sous séquestre au cas où nous serions contraints de faire un procès au
Rapinaud, lequel étant fort procédurier pourrait à l’avenir nous chercher
noise.
    Nous étions assis tous trois à notre repue de midi, et
encore que le rôt de Caboche fût fort bon, à peu que le cœur me soulevât à la
pensée de cette infâme tricherie qui grignotait impiteusement la part du plus
pauvre manouvrier, lequel était heureux s’il avait autour de sa petite
chaumière un ou deux arpents où il pouvait récolter assez de blé pour lui durer
la moitié de l’année (à condition de le mélanger avec du seigle et même de l’avoine),
les châtaignes crues ou cuites prenant alors le relais de ce mauvais pain et
lui permettant

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