Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
dîme qui fait de l’Église
l’institution la plus riche de France, plus riche même que le roi, une
justification religieuse ?
    — Mais elle existe ! Ou du moins, on l’a trouvée.
Et plaise à vous, Monsieur le Comte, de la trouver vous-même dans la Genèse,
chapitre XIV, verset 20. Il y est dit qu’Abram, ayant vaincu les rois
qui avaient enlevé son neveu Lot, ramassa un énorme butin dont il donna le
dixième à Melchisédech, prêtre du dieu tout-puissant.
    — Mais il ne s’agissait là que de butin et non pas des
fruits que l’homme, par son labeur et ses peines, a coutume d’arracher à la
terre.
    — En effet. Toutefois, il y eut noir sur blanc une
autre justification qui tenait à l’emploi qu’on allait faire de cette
dîme : elle était censée être affectée à la subsistance des pasteurs,
l’entretien des bâtiments du culte et le soulagement des pauvres.
    — Le soulagement des pauvres, alors que la dîme les
accable !
    — Pour être juste, Monsieur le Comte, la dîme ne fut
pas toujours détournée de ses légitimes destinations. Ce qui en pervertit
l’usage, ce fut le concordat qui accorda à François I er le
droit de nommer les évêques. Car qui peut ignorer que, d’ores en avant, ces
nominations ne furent pas précisément faites dans l’intérêt de la
religion ? Les rois prirent l’habitude de caser dans les évêchés et les
abbayes des cadets de grandes maisons ou des nobles de robe qui les avaient
bien servis. Dès lors, le ventre, si je puis dire, l’emporta sur le cœur. L’évêché
fut considéré comme un bénéfice, et non plus comme un magistère, moins encore
comme un sacerdoce. Et la dîme fut confisquée en quasi-totalité par ceux qui la
collectaient. On n’eut cure des indigents. On n’entretint plus les lieux du
culte. Et pour vous parler céans à la franche marguerite, Monsieur le Comte,
Monsieur le curé Séraphin ne compte plus que sur vos libéralités pour réparer
la toiture de notre église…
    Je souris à cela.
    — J’admire fort, Monsieur le Vicaire, votre esprit
d’à-propos. Mais revenons à nos moutons. Toute la dîme n’est pas confisquée,
puisque les curés en reçoivent une partie.
    — De force forcée ! Qui voudrait être curé, tâche
écrasante, s’il ne recevait rien pour ses peines ? Mais le curé ne touche
qu’une infime partie de ce qui est collecté sur sa propre paroisse.
    — N’est-ce pas cette partie-là qu’on appelle « le
gros » ?
    Ici, d’une manière tout à fait inattendue. Monsieur Figulus
se prit à rire.
    — Ah Monsieur le Comte ! dit-il en mettant sa
longue main sur sa large bouche, mille pardons pour cette hilarité ! mais
si on l’appelle « le gros », ce ne peut être que par antiphrase, car
je puis vous assurer que ce gros-là est des plus minces.
    — Vous entends-je bien, Monsieur Figulus ?
Monsieur le curé, sans sa rente personnelle, vivrait assez mal, s’il était
réduit à son « gros » ? Raison peut-être pour laquelle le haut
clergé exige d’un curé qu’il soit rentier : plus il a, moins on a à lui
donner. Et vous-même, Monsieur Figulus, recevez-vous, en qualité de vicaire, un
« gros », fût-il plus petit que celui du curé ?
    — Moi ? dit Figulus, je ne reçois pas un seul sol
vaillant ! On dirait que pour l’évêché, les vicaires n’existent pas.
    — Mais qui vous paye alors ? dis-je béant.
    — Monsieur le curé Séraphin, sur ses deniers propres.
    — Et peux-je vous demander comment il vous paye ?
    — Mieux que ne le faisait son oncle, dit Figulus, en se
fermant comme une huître.
    Maigre hommage, à y penser plus outre, car ledit oncle avait
la réputation d’avoir été, sa vie durant, excessivement chiche-face, même si,
sur son lit de mort, il avait pensé à doter son neveu.
    — Il ne vous échappe pas, Monsieur le Comte, reprit
Figulus d’une voix contrainte, que si l’on venait à savoir que je vous ai parlé
céans à ventre déboutonné, il ne me resterait plus qu’à prendre la besace et le
bâton pour aller mendier sur les chemins.
    — Rassurez-vous, Monsieur le Vicaire ! dis-je
vivement. Sauf à mon père qui, sur tout ceci, sera comme moi-même muet comme
tombe, je ne répéterai à nul autre vos propos. Je vous en donne ma parole de
gentilhomme.
    — Je vous en fais mille mercis, Monsieur le Comte, dit
Figulus en me saluant avec gravité.
    Et il ajouta :
    — Peux-je maintenant vous demander de me

Weitere Kostenlose Bücher