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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de retour d’Orbieu ! Eh bien, qu’en
pensez-vous ?
    — C’est un très beau domaine, Sire, et je serai
reconnaissant à Votre Majesté jusqu’à la fin de mes jours de m’avoir mis à même
d’en devenir le maître.
    — Et qu’en est-il de vos paysans ?
    — Ils sont fort misérables, Sire.
    — Je me ramentois, dit Louis d’un air attendri, avoir
ouï dire à mon père qu’il voulait que le paysan de France mît chaque dimanche
la poule au pot.
    — Ah Sire ! Il s’en faut qu’ils puissent mettre la
poule au pot même un dimanche par an ! Et quant aux curés, ce que l’évêché
leur donne de la dîme est si petit que nul ne peut être curé, s’il n’est
d’abord rentier.
    — Ah cela est fâcheux ! dit Louis qui me parut
plus sensible à la pauvreté des curés qu’à la misère des paysans.
    Il est vrai qu’il était fort pieux, tant est qu’il n’oublia
pas mon propos sur le « gros » qui était en fait si mince :
quelque temps plus tard, il prit un édit qui ordonna aux évêques de reverser
aux curés une « portion congrue » des dîmes. Le mot latin dont cet
adjectif est dérivé étant congruus, qui veut dire
« convenable » il faut croire que même alors le bas clergé n’en fut
pas satisfait, puisque la « portion congrue » finit par désigner une
portion à peine suffisante…
    Après son déjeuner, Louis alla visiter la reine et, comme de
ses quatre gentilshommes de la Chambre, j’étais le seul qui fût présent, je le
suivis et fus ainsi témoin d’une scène qui me laissa pantois.
    Comme Louis franchissait l’huis de son épouse, il se trouva
quasiment nez à nez avec Madame de Luynes, qui aussitôt se génuflexa
gracieusement devant lui, son vertugadin s’évasant en corolle autour de sa
svelte taille, et en même temps redressant la tête, et le cil battant, elle lui
fit un sourire à la fois si tendre, si enjôleur, et si éclatant qu’il eût fallu
être un roc pour n’en être pas touché. En même temps, elle tendait à demi la
main vers le roi tandis que par un mouvement vif et fort engageant de ses
lèvres vermeilles, elle témoignait de l’impatience qu’elle ressentait qu’il y
posât la sienne pour qu’elle pût la baiser.
    Louis s’immobilisa, puis laissant tomber sur Madame de
Luynes de toute sa hauteur un regard glacé, il lui fit un petit signe de tête
des plus raides et se remettant en branle, il passa devant elle d’un pas rapide
et, sans dire mot ni miette, pénétra chez la reine.
    J’en fus béant. Bien que je fusse alors ignorant de ce qui
s’était passé entre eux pendant mon séjour à Orbieu, le cœur me battit de la
cruelle humiliation qu’il venait d’infliger à la Luynes. Qu’était donc devenue
en si peu de temps cette extrême passion qu’il avait témoignée à son endroit et
qui avait donné tant de pointillés à la reine, à l’ambassadeur d’Espagne, au
nonce du pape, au confesseur du roi, et par lui à la Compagnie de Jésus –
avant qu’on entendît enfin que si grande que fût cette amour-là, elle était
platonique. Hélas pour la pauvre Luynes ! Tout désincarné que fût ce
sentiment, il pouvait se muer, comme le plus charnel attachement, en haine
véritable. Je venais d’en être le témoin. Car c’était là – sans
Tronçon – la tronçonnade la plus roide qu’il me fût donné de voir en ce
début de règne. Et encore que je commençasse à deviner quelle légion
d’indomptables petits démons se cachaient derrière le front si pur et les yeux
si bleus de Madame de Luynes, je ne laissais pas d’éprouver pour elle à ce
moment-là une compassion que je fus bien loin de lui continuer au cours des
innombrables brouilleries dont par la suite elle se rendit coupable.
    De retour à l’hôtel paternel, j’y trouvai un billet apporté
en mon absence par un petit vas-y-dire et l’ouvrant, l’écriture illisible et l’orthographe
particulière de ma bonne marraine me sautèrent aux yeux :
     
    « Mon
fieul,
    « Enfain deux retoure ! Vené diné demin avèque moi
au beque a beque onze eure.
    Catherine de
Guise. »
     
    Du moins savait-elle écrire correctement son prénom et son nom.
Le défunt duc avait dû y veiller.
    Il allait sans dire que c’était un ordre, non une prière et
il n’était point question de s’y dérober en arguant, comme c’était pourtant le
cas, que le Conseil du roi était convoqué le lendemain à la même heure. Ma bonne
marraine, étant née

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