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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’alléger en faisant rendre davantage à des terres mieux
soignées – les miennes, mais les leurs aussi.
    Pourtant, si peu longtemps que je me fusse absenté, je me
sentis véritablement plein de joie à revoir mon beau Paris et le Palais de mon
roi. Et puisque je viens de lancer une petite gausserie à l’adresse des dames
« les mieux nourries du royaume », que je leur dise aussi que bien
loin de moi est la pensée de leur reprocher leurs repues et, entre leurs repues,
leurs incessantes collations, alors que je trouve si rebiscoulant, dès que je
mets le pied dedans le Louvre, leurs beaux tétins émergeant à demi de leurs
corps de cotte, comme le veut la mode qui trotte. J’avoue que je n’en détourne
les yeux qu’autant que le commande la civilité, mon regard chattemite ne
s’évadant de ces appas que pour revenir se reposer sur eux en tapinois, tandis
que par la moins sacrée des oraisons, je remercie en mon for le Seigneur qui
les a ainsi faits, et le péché de gourmandise, pour les avoir si bien rondis.
    Même en hiver, le plat pays autour d’Orbieu eût été
charmant, s’il n’avait fait si froid, et c’est avec joie que je m’ococoulai
derechef dans mon lit familial de la rue du Champ Fleuri où cependant, dès le
premier soir, il me fallut régler d’urgence un problème domestique.
    Lorsque, après le souper, lassé des mille secousses de mon
voyage en carrosse, je voulus m’aller retirer dans ma chambre, qui pensez-vous
que j’y trouvai, sinon Louison qui y avait allumé un grand feu et bassiné mon
lit, ce qui apparemment lui avait donné si chaud que, pour être plus à l’aise,
elle avait ôté son corps de cotte ?
    — Holà, Louison ! dis-je en fermant l’huis sur
moi, holà, M’amie ! toi céans, et en cette tenue, dans ma chambre !
Et à cette heure ! Et qu’y penses-tu y faire ?
    — Rallumer votre feu, bassiner votre lit…
    — Eh bien, voilà qui est fait ! Feu flambant, drap
brûlant ! La grand merci à toi, Louison. Je te souhaite le bonsoir.
    — Nenni, Monsieur le Comte, ma tâche n’est point finie.
J’ai à vous déshabiller.
    — Je le ferai bien tout seul.
    — Et qui vous réveillera le matin ?
poursuivit-elle d’une voix caressante. Monsieur le Comte ne se ramentoit pas la
façon dont je m’y prends ?
    — Je me ramentois surtout que nous ne sommes plus à Orbieu,
où selon toi le serment fait à ma comtesse ne comptait mie, puisqu’il avait été
fait à Paris.
    — Ma fé ! Où c’est-y que ce compte-là nous mène,
vous et moi ?
    — Rien qu’à ceci : à Paris, et nous y sommes, le
serment garde sa validité. Louison, je te prie, retire-toi. Je te souhaite la
bonne nuit.
    Et la prenant par les épaules, je la poussai doucement vers
la porte qu’elle franchit sans une plainte, mais en versant des larmes grosses
comme des pois qui roulaient sur ses rondes joues, vue qui me serra quelque peu
le cœur. Je refermai l’huis sur elle, mais oubliai – ô ma conscience,
était-ce bien un oubli ? – de pousser le verrou, tant est que le
lendemain matin en ouvrant l’œil à la pique du jour, je retrouvai Louison dans
mes bras.
    Elle y demeura : je n’eus pas le cœur de l’en chasser.
Mais je me fis là-dessus quelques petits retours sur moi. Si une petite
chambrière avec deux sous de jugeote parvenait en un tournemain à ses fins avec
son maître, que pourrait faire de moi, s’il lui en prenait fantaisie, une haute
dame étincelante d’esprit et de beauté comme Madame de Luynes ? Et moi,
céderais-je si mortellement à la chair avec l’épouse du favori ? Ah !
m’apensai-je, cette sirène-là est autrement redoutable que ma naïve
Louison ! Et par tous les dieux, imitons la prudence d’Ulysse :
n’allons point plonger dans ces eaux-là ! Ainsi me fortifiais-je contre la
Luynes de la faiblesse que je venais de montrer à l’égard de Louison.
Résolution où je m’arrêtais dans le chaud du moment, mais à laquelle je me
tins, et je fus sage, comme la suite bien le montra.
    Toutefois, ce matin-là je ne m’attardai pas avec ma
soubrette plus qu’il ne fallut, car je voulais voir Louis dans son Louvre avant
que se réunît le Conseil des affaires, et j’y parvins, en effet, le trouvant
par un hasard heureux à son déjeuner, pour lequel il n’avait pas d’heure, le
prenant aussi bien à sept heures qu’à neuf heures et demie.
    — Ah Sioac  ! dit-il, comme je me génuflexai
devant lui. Vous voilà

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