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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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prêtent aux manouvriers affamés, mais contre un gage.
    — Un gage ?
    — Un petit bois ou un lopin que possède le manouvrier
et qui arrondira presque à coup sûr le domaine du laboureur, puisque
l’emprunteur ne pourra pas rembourser son emprunt.
    — Et l’intendant Rapinaud agissait ainsi au nom du
comte d’Orbieu ?
    — Il agissait ainsi avec le blé du comte d’Orbieu, mais
à son propre compte. Tant est que le gage agrandissait sa propre terre et non
celle du seigneur.
    — Ma fé ! je lui ferai rendre gorge !
    — Monsieur le Comte, dit Séraphin en baissant la voix
comme si l’intéressé pouvait l’ouïr, ce ne sera pas si facile. Rapinaud est
procédurier et l’affaire pourra durer des lustres. Achetez plutôt ses terres,
si vous le pouvez.
    — J’y vais rêver, dis-je, sans m’engager plus outre. Un
mot encore. Pourquoi y a-t-il parmi mes manants tant de malitornes ?
    — C’est qu’ils travaillent trop tôt, trop longtemps et
à des tâches trop rudes. Elles les laissent tordus pour la vie.
    — Monsieur le Curé, dis-je, assombri assez par ce que
je venais d’apprendre, je vous fais mille mercis pour votre aide.
    Je lui mis quelque monnaie dans les mains pour qu’il dise
une messe et demande à Dieu que le domaine d’Orbieu et ses manants les plus
pauvres connaissent à l’avenir quelque soulagement à leurs maux.
    Dans ma chambre, que j’avais choisie parce que ses grandes
fenêtres donnaient au sud – ce qui en février, ne me réchauffait
guère –, je trouvai, malgré l’heure tardive, un grand feu et Louison qui
bassinait mon lit.
    — Eh bien, Louison, que fais-tu là ? dis-je, sévère,
mais peu fâché.
    — Monsieur le Comte le voit : je bassine son lit.
Et auparavant, j’ai allumé et entretenu un grand feu, rangé ses vêtures dans
l’armoire, et maintenant, je lui vais retirer ses bottes, le déshabiller, et le
frictionner avec son eau de senteur devant le feu. Monsieur le Comte le
tient-il pour agréable ?
    — Oui, à condition que tu ne me parles pas à la
troisième personne. Et hâte-toi : je meurs de fatigue, de sommeil et de
froid.
    Elle me frictionna à l’arrache-peau. La garcelette était petite,
mais vive et frisquette, et elle me fit grand bien. Dès qu’elle eut fini, rouge
du mouvement qu’elle s’était donné, je me fourrai dans les draps chauds et elle
demeura devant le feu, les bras ballants et le sourcil froncé.
    — Eh bien, dis-je, que demeures-tu là à faire la
mine ? Ne vas-tu pas t’aller coucher ?
    — Et où ? dit-elle avec dépit, dans une mansarde
sans feu, et seule ? Mariette est avec son Caboche, Margot avec qui vous
savez. Et moi, vais-je mourir de froid à coucher sans personne pour me réchauffer ?
    — Louison, dis-je, tu sais bien que nous avons
discontinué nos douces habitudes, quand la comtesse a exigé de moi par serment
que je lui fusse fidèle.
    — Oui-da ! dit-elle victorieusement, mais le
serment a été fait à Paris. Et il ne vaut rien à Orbieu !
    — Jour de ma vie ! dis-je en riant à gueule bec
(tout sommeilleux que je fusse) quel émerveillable distinguo ! Et quel
avocat tu ferais, Louison !
    Mais elle vit bien que ma gaieté m’avait quelque peu
désarmé, et elle monta derechef à l’assaut.
    — Monsieur le Comte, reprit-elle, si vous aviez un peu
de cœur, vous me laisseriez dormir céans, sur ce fauteuil, devant le feu.
    — Allons ! dis-je, fais ce que tu veux !
    Elle alla pousser le verrou de l’huis et la dernière chose
que je vis fut son visage rieur quand elle vint éteindre ma lumière. Mon
sommeil me souffla comme elle souffla la chandelle et je ne me réveillai que le
lendemain au grand jour avec un sentiment inouï de bonheur : j’étais à
Orbieu, dans ma seigneurie d’Orbieu. Et Louison était ococoulée, nue dans mes
bras, ses tétins fermes et doux écrasés contre ma poitrine.

 
CHAPITRE IV
    Je passai huit jours à Orbieu où par tous les temps (et ils
furent tous fâcheusement froids) je parcourus à cheval mon domaine avec mon
père. La Surie et nos soldats par des chemins ou – comme on disait en le
pays – par des voies, si abominablement mauvaises que je m’étonnai
que des charrettes – au moment des foins, de la moisson ou de la
vendange – pussent y passer sans verser dix fois. Je parlais à tous ceux
que je rencontrais sur ma route ou que je visitais dans leur chaumine, n’allant
pas toutefois plus loin que le seuil, tant

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