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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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maison, mais à’steure on trouve à Paris des
cadets nobles qui se louent pour presque rien : le gîte, la chère et la
vêture.
    Diantre ! m’apensai-je, est-ce pas rien que de nourrir,
vêtir et loger à longueur d’année chez soi trois arrogants coquelets pour ne
rien faire d’autre que de trotter devant et derrière moi, et le reste du temps
jouer, jurer, se battre, semer partout la zizanie et engrosser les
chambrières ?
    — Madame, dis-je, dès qu’Orbieu, au lieu de me coûter
pécunes, m’en apportera, je suivrai vos excellents conseils.
    Ce qui n’était pas pour demain, m’apensai-je. Mais c’est à
peine si ma bonne marraine m’ouït, elle était déjà à table où elle se mit
incontinent à gloutir ses viandes à dents aiguës et à boire son vin à longues
goulées.
    — Vous me voyez fort mal allante, dit-elle avec
mélancolie.
    — Dieu merci, dis-je, il n’v paraît pas à votre
appétit.
    — Ce n’est point du corps que je pâtis, dit-elle avec
un soupir, mais du cœur. Je me meurs à petit feu des mille pointillés et
tabustements de ma vie et quand je suis à deux doigts de la désespérance, il
n’y a guère que le boire et le manger qui me peuvent consoler.
    Je crus de prime qu’elle se gaussait, mais je me souvins que
lors du premier voyage de Louis à l’Ouest, apprenant à Blois la mort de son
plus jeune fils, le chevalier de Guise – le canon qu’il voulait mettre à
feu lui-même lui ayant éclaté au visage –, elle avait tenu à table le même
propos.
    — Mes fils, reprit-elle en avalant quasiment sans la
mâcher une énorme bouchée de jambon de Bayonne et la faisant suivre d’une
lampée de vin de Bourgogne pour la pousser jusqu’à son gaster, mes fils me
feront blanchir avant l’âge !
    Propos qui me titilla quelque peu, car il y avait belle
heurette que son blond cheveu tenait plus de l’art que de la nature.
    Au discours qui suivit, je n’ouvris qu’à demi mes oreilles,
connaissant quasi par cœur la longue litanie de ses griefs à l’endroit de sa
progéniture et la conclusion presque toute en ma faveur de cette
jérémiade : j’étais le seul qui fût instruit, capable, et doué de raison,
bref, quasi exemplaire, à cette réserve près qu’ayant appris la chicheté
huguenote avec mon père (que d’ailleurs elle adorait), j’étais trop pleure-pain
pour apprendre jamais à tenir mon rang…
    — Charles, poursuivit-elle (Charles était le duc
régnant, son aîné), a de la faconde et de l’esprit, mais à quoi lui servent-ils
puisqu’il ne fait rien dans la vie que jouer aux cartes et aux dés ? Si
encore il gagnait ! Savez-vous (comment aurais-je pu ne point le savoir),
savez-vous combien ce benêt perd bon an mal an dans ses parties avec Bassompierre ?
Cinquante mille livres ! Et il continue !
    — Il croit par là tenir son rang ! dis-je.
    Mais cette ironie fut tout à plein perdue pour ma bonne
marraine.
    — Cinquante mille livres ! Et combien aurait-il perdu,
s’il s’était joint aux révoltes des Grands contre la régente ? Mais là,
j’ai tenu bon. Et j’ai tant fait que le duc est resté fidèle au trône, Dieu
merci !
    Et merci aussi, pensai-je, à sa naturelle indolence.
    — Et qu’ai-je tiré, moi, de cette fidélité ?
poursuivit-elle.
    « Mais des pécunes, Madame, eussé-je dit, si ma langue
avait pu prendre le relais de mes oreilles. Des pécunes, pour combler les trous
que vos dépenses extravagantes ont fait dans vos finances… »
    — J’y ai gagné les bonnes grâces de la régente,
reprit-elle, et c’est grâce à elle que j’ai pu obtenir qu’elle demandât à Sa
Sainteté le chapeau de cardinal pour Louis, encore qu’il ne le méritât
guère ! Pensez, mon Pierre ! Il savait à peine dire la messe !
    Ce qui était tout de même un comble pour un archevêque à qui
la dîme, qui faisait de lui le plus riche de mes demi-frères, rapportait cent
mille livres par an. Il y avait là de quoi assurément vivre sans souci en son
épiscopal palais de Reims avec sa Charlotte des Essarts.
    — Mais ceci n’est rien encore ! poursuivit-elle
avec un gémissement, j’ai fait mieux pour ce vaunéant de Claude ! Et c’est
lui qui me donne le plus d’ombrage !
    Cette épithète de « vaunéant » accolée au prince
de Joinville me fit sortir de ma réserve, tant elle me parut injuste.
    — Ah Madame ! m’écriai-je, passe pour le duc et le
cardinal qui n’ont jamais rien fait de

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