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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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seize braves à la tombée de la nuit. Et les allant
voir dans nos communs, surpris de ne pas ouïr à l’approchée un seul bruit de
voix, j’ouvris l’huis et les vis assis tous les seize, sur des bancs, l’écuelle
à la main, et Louison les servant d’une épaisse soupe aux légumes où je vis des
lardons. Pour la plupart de nos manouvriers, c’était là plus, bien plus que
leur quotidienne ration, et à ouïr ce bruit religieux de gorges et de
mâchoires, il n’était pas sorcier de prévoir ce qui s’allait passer dans ma
cour le lendemain matin.
    — Louison, lui dis-je au coucher, tandis qu’elle
bassinait mon lit, comment diantre ai-je fait pour ne pas avoir eu cette idée
moi-même ?
    — Ce n’est point votre faute, assurément, Monsieur le
Comte, dit-elle avec un sourire, mais qu’est-ce qu’une soupe aux légumes pour
vous ? Vous n’avez jamais eu faim.

 
CHAPITRE V
    Si bien je me ramentois, c’est fin mai que Monsieur de
Saint-Clair m’écrivit d’Orbieu que l’assiduité de mes manants à la réparation
des voies ne s’était pas relâchée – la potée que nous leur servions en fin
de journée ne faillant pas d’être l’aimant qui les retenait à cette corvée-là.
Il y avait bon espoir, concluait-il, le temps se mettant au beau, que nous en
eussions fini pour le charroi des foins.
    Il avait eu, en outre, des demandes de femmes pour
participer à ce dur labeur et il me demandait ce que j’en pensais. Quant à lui,
il opinait à employer tout du moins les veuves à des travaux proportionnés à
leurs forces pour la raison que les veuves, sur mon domaine, étaient les plus
pauvres d’entre les pauvres.
    La raison en était qu’à la différence des hommes qui,
demeurés seuls, se remariaient en moins d’un mois, elles ne retrouvaient que
rarement un second époux, surtout celles dont le lopin était petit et qui
étaient encombrées d’enfants. Or, dans ces minuscules exploitations où il
fallait être attelés à deux au labeur quotidien pour joindre les deux bouts,
une femme seule n’y parvenait presque jamais. Elle descendait alors rapidement
de la pauvreté à la misère, de la misère à la mendicité, voire même à la
prostitution villageoise, la pire de toutes, car tout un chacun, curé compris,
la montrait du doigt.
    Monsieur de Saint-Clair joignait à sa lettre un détail des
frais encourus pour l’achat des pierres nécessaires à l’empierrement des voies,
leur charroi à pied d’œuvre, et le coût de la potée quotidienne pour cinquante
bouches depuis le début du chantier. Il avait même calculé les débours que
l’emploi d’une quinzaine de veuves entraînerait. D’autant qu’en plus de leur
potée, on ne pourrait, écrivit-il, se dispenser de leur bailler une portion de
pain pour rapporter au logis à leurs enfantelets.
    Je fis lire la lettre de Saint-Clair à mon père et à La
Surie, et ils firent sur leur auteur des commentaires différents, le premier se
bornant à dire que Saint-Clair savait compter et qu’il saurait, par conséquent,
ménager le domaine en mon absence, tandis que le chevalier remarquait qu’il ne
manquait pas de cœur.
    — C’est bien d’en avoir, dit mon père, mais point trop
n’en faut. Il faut surtout de la justice et de la prudence. À ce propos,
Monsieur mon fils, si, comme je crois, vous vous proposez d’employer des
femmes, il ne serait pas disconvenable que vous demandiez de prime l’avis du
curé Séraphin.
    — Et s’il est d’un avis contraire au mien ?
    — Il ne pourra l’être, surtout s’il espère que vous
réparerez la toiture de l’église. Ferez-vous cette réparation ?
    — J’y songe, mais, pour parler à la franche marguerite,
j’enrage de me substituer à l’évêché. À quoi sert la dîme, si on n’entretient
même pas les lieux du culte ?
    — À entretenir des Charlottes, dit La Surie.
    — Miroul ! dit mon père à qui cette allusion à mon
demi-frère, l’archevêque de Reims, ne plut qu’à moitié. Vous pourriez,
poursuivit-il en se tournant vers moi, proposer à Séraphin, pour la réparation
de ladite toiture, de fournir les matériaux, le village fournissant la
main-d’œuvre. Il ne se peut qu’on ne compte de bons maçons parmi les
manouvriers.
    Cette conversation eut lieu à la repue de midi et dès que le
dernier morcel en fut glouti, je requis à mon père la permission de me retirer.
    — Allez-vous si tôt au Louvre ? dit-il.
    — Mais le comte

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