Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
s’est passé à Prague le vingt-trois
mai de la présente année 1618 concerne au plus haut point Madame de
Lichtenberg, le Palatin, l’empereur, et les Princes évangéliques allemands,
l’Autriche, la France, l’Europe enfin… Toutefois, avant que de vous dire ce qui
se passa ce vingt-trois mai, permettez-moi, Madame, de remonter deux siècles
plus tôt.
    — Deux siècles, Monsieur ?
    — Deux siècles évoqués en deux minutes, est-ce
trop ? En 1411, Madame, Jan Hus, prêtre et recteur de l’Université de
Prague, dénonça bien avant Luther et Calvin, ce qu’Étienne de La Boétie devait
plus tard appeler « les infinis abus de l’Église catholique ».
Excommunié, Jan Hus fut cité à comparaître devant le concile œcuménique de
Constance convoqué par l’empereur germanique Sigismond. Et comme Jan Hus
hésitait à s’y rendre, ledit Sigismond lui signa un sauf-conduit qui devait
assurer à Constance ses sûretés. Mais une fois Jan Hus rendu à Constance,
Sigismond, sous la pression des prélats et des princes, changea d’avis et
révoqua le sauf-conduit, car la prédication de Hus ne se bornait pas à demander
la réformation de l’Église catholique. Ce réformateur était aussi un patriote
hostile à la domination germanique sur la Bohême et aussi un défenseur des
peuples contre l’oppression des Grands. En fin de compte, Sigismond le livra à
l’Église, laquelle l’arrêta, lui fit un procès, le condamna à mort et le brûla
vif.
    — L’œcuménisme commençait bien !
    — Et n’a pas fait depuis, belle lectrice, de grands
progrès. Les Hussites à Prague furent horrifiés par le bûcher de Jan Hus et par
la trahison de Sigismond, et d’autant plus que régnait en Bohême son frère
Wenceslas. En 1418 – il y a tout juste deux siècles, Madame –, les
Hussites envahirent un beau matin le Hradčany et se saisissant des
conseillers de Wenceslas, ouvrirent les fenêtres du château et les jetèrent
dans le vide. Ce fut la première défenestration de Prague.
    — Comment cela, Monsieur, la première ? Y en
a-t-il eu une seconde ?
    — Oui-da ! Deux siècles plus tard ! Il y a
une semaine à peine, le vingt-trois mai 1618 – et croyez-moi, cette date,
belle lectrice, ne fut pas choisie au hasard car elle était devenue pour les
Bohémiens [15] une sorte de
commémoration. Ce jour-là, les Luthériens, qui se tenaient pour les descendants
spirituels des Hussites, envahirent le Hradčany et défenestrèrent les
gouverneurs de l’empereur Mathias.
    — Se rompirent-ils les os ?
    — Non, Madame. Ils tombèrent sur un tas de fumier. Ce
qui fit plaisir à tout le monde : aux Luthériens, qui déclarèrent que
c’était là le lit qui convenait le mieux à ces maudits papistes et aux
catholiques qui affirmèrent que la Providence avait placé là ce fumier tout
exprès pour que les défenestrés ne se fissent aucun mal.
    — Et que reprochaient les défenestreurs à l’empereur
Mathias ?
    — Il avait accordé aux Luthériens de Prague quelques
libertés religieuses, mais une fois son pouvoir raffermi, il les leur retira.
    — C’était pour le moins malgracieux !
    — Mais ce n’était pas tout. L’empereur Mathias
soutenait la candidature de l’archiduc Ferdinand d’Autriche à sa propre
succession. Un Habsbourg, Madame ! Et dont le confesseur était un
Jésuite ! Qu’on fût en Allemagne calviniste ou luthérien, il y avait de
quoi concevoir des alarmes !
    — Et Madame de Lichtenberg fut alarmée ?
    — Furieusement. Et d’autant plus que son cousin,
l’Électeur palatin, chef de la Ligue évangélique, était lui-même candidat à
l’Empire. Madame de Lichtenberg augurait donc que la guerre entre protestants
et catholiques était imminente en Allemagne et prophétisait la défaite des
siens. C’est ce que, nos tumultes dans le clos du baldaquin une fois apaisés,
elle me dit à voix entrecoupée en versant des larmes et en m’annonçant du même
coup qu’elle partait pour Heidelberg pour y vendre ses biens, fût-ce à perte,
cuidant que, de toutes manières, ils seraient perdus.
    — Et vous fûtes, j’imagine, fort chagrin de ce
départ ?
    — Oui, Madame, car j’augurai, moi, que ses biens, en un
temps si troublé, étant difficiles à vendre, je demeurerais longtemps sans la
voir.
    — Pour ne vous rien céder, je me consolerais si vous me
deviez parler davantage de Louis et moins d’elle.
    — Ah ! Madame ! Je

Weitere Kostenlose Bücher