Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
ne se rend pas au Louvre, dit La Surie
qui, debout devant les verrières, avait vu entrer l’anonyme coche de louage qui
me devait emmener discrètement à l’hôtel de la rue des Bourbons. N’est-ce pas
pitié, gaussa-t-il, quand on a un si beau carrosse, de le laisser à l’écurie et
de se trantoler dans les rues en si pauvre équipage ?
    — Peu importe l’équipage, dit mon père en me jetant un
bras par-dessus l’épaule et m’accompagnant jusque dans la cour. Ce qui compte,
ajouta-t-il, c’est le but, dirais-je même, la cible. Et le secret ne laisse pas
d’ajouter quelque piment à l’émeuvement du chemin.
    Dans l’escalier, nous croisâmes Louison qui montait à
l’étage et qui, en s’effaçant contre le mur pour nous laisser passer, me jeta
un pauvre regard. Sans doute avait-elle remarqué, elle aussi, la présence du
coche de louage dans notre cour. Le cœur me pinça de ce coup d’œil, si bref
qu’il fût. Naviguant depuis mon premier voyage à Orbieu d’une femme à l’autre,
je suivais une pratique libertine, mais sans posséder le cynisme qui l’eût pu à
mes yeux justifier. Bien le rebours, j’éprouvais quelque vergogne à l’égard de
la soubrette, comme de la haute dame.
    Quand la porte cochère de l’Hôtel des Bourbons s’ouvrit,
Monsieur von Beck m’accueillit avec un profond respect, une courtoisie sans
faille et une discrète nuance de désapprobation. Et comme je lui demandai
comment sa maîtresse allait, il me répondit d’un air assez malengroin qu’elle
était couchée.
    — Eh quoi, dis-je, Madame de Lichtenberg serait-elle
mal allante ?
    — Non, Monsieur le Comte, je ne crois pas, dit-il d’un
ton prude et pincé.
    Ce qui voulait dire qu’il voyait dans cet alitement de sa
maîtresse une façon de brûler les étapes qui offensait son sentiment du
décorum.
    Pour moi, dès que j’eus entendu la raison de sa mauvaise humeur
(se peut grossie de quelque jalousie qu’en serviteur zélé il se cachait à
lui-même sous le voile de la morale), je me sentis pousser des ailes. Je montai
en courant l’escalier qui menait à l’étage noble, frappai un coup à l’huis de
ma belle, l’ouvris sans attendre de réponse, refermai l’huis derrière moi et le
verrouillai. Les courtines du baldaquin étaient closes, mais frémirent à mon
entrant.
    — Madame, dis-je d’une voix haletante, je vous demande
mille pardons de mon petit retard, mais le dîner paternel s’est indûment
prolongé.
    — De grâce, mon Pierre, dit la voix étouffée de ma Gräfin derrière les courtines, de grâce, ne discourez point ! Déshabillez-vous à
la diable et me venez rejoindre !
    « À la diable » est bien dit, m’apensai-je, en
arrachant sans vergogne mes vêtures et les jetant, éparses, sur le tapis.
     
    *
    * *
     
    — Monsieur, deux mots, de grâce !
    — Madame, une question de prime. Connaissez-vous
Prague ?
    — Non, Monsieur.
    — Ah Madame ! Vous y perdez prou ! Prague est
connue comme la capitale de cette Bohême qui cisèle de si beaux cristaux. Mais
c’est aussi une des villes les plus belles et les plus attachantes d’Europe.
Les mots me manqueraient, si je voulais exprimer sa beauté, à commencer par le
Hradčany…
    — Le… ?
    — Le Hradčany. Le tchèque, Madame, est une langue
imprononçable pour qui n’est pas tchèque. Le Hradčany, c’est le château de
Prague. Bâti sur une hauteur, il domine la ville de sa considérable masse,
hérissée de tours pointues fort élégantes. Au-dessous de lui s’étagent les
églises et les palais d’un quartier ancien, émerveillablement beau, qu’on
appelle Mala Strana. Ne sentez-vous pas, Madame, le charme et le mystère
qui émanent de ces syllabes magiques ? Mala Strana s’étend sur la
rive gauche de la Vltava et pour passer sur la rive droite, on emprunte le Pont
Charles, autre merveille, Madame, et j’oserais le dire, unique au monde.
    — Plus beau que le Pont Neuf que notre Henri a
construit en Paris ?
    — À mon sentiment, notre Pont Neuf est surtout beau, vu
des berges de la rivière de Seine. Le Pont Charles, lui, est orné de place en
place de statues de saints, tant est que, même quand il n’y passe personne, il
paraît peuplé. C’est en cela qu’il est unique : le passé ressuscite pour
regarder passer le présent.
    — Voilà qui est bel et bon, Monsieur. Mais en quoi
Prague regarde-t-il Madame de Lichtenberg qui est comtesse palatine ?
    — Madame, ce qui

Weitere Kostenlose Bücher