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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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appartements du Louvre où il dit à Héroard d’une voix étouffée
de fatigue qu’il s’allait coucher sans manger. Il se mit incontinent au lit
avec un grand soupir. Mais hélas, à peine y était-il depuis un petit quart
d’heure – et lui voyant la paupière lourde, nous l’allions laisser à son
repos – que, précédé d’un grand bruit, le Grand Chambellan, oiseau de
triste augure, apparut et, après je ne sais combien de courbettes et de
génuflexions, dit au roi d’une voix stentorienne que d’ordre de la régente, il
devait se relever, se vêtir, souper, et après souper, consommer son mariage.
    Je trouvais dans ce commandement je ne sais quelle malignité
secrète, car la régente n’avait pu manquer d’apercevoir combien pendant toute
la cérémonie du mariage, son fils avait la mine lasse et, de par tous les
Dieux ! en était-on à un jour ou deux près ? Si on ne l’avait pas
consulté sur le choix de l’épouse, ne pouvait-on au moins lui laisser le choix
du moment pour faire d’elle sa femme ? La régente ne pouvait-elle se
ramentevoir combien le jour de ses propres noces, elle avait été blessée par la
hâte et la brutalité d’Henri IV, pleurant le lendemain des larmes grosses
comme des pois ? Et milledious  ! (comme disait mon grand-père)
la petite reine dans tout cela ? Épuisée tant par la longueur de la
cérémonie que par le poids des vêtements d’apparat et de sa couronne,
n’avait-elle pas, elle aussi, besoin de repos pour affronter cette nouvelle
épreuve ?
    — Quant à moi, dit La Surie, je me pense (et je vous
dis tout de gob, et à la franche marguerite ce que je pense) que la régente
escomptait un échec. Tant parce qu’en humiliant Louis, elle ébranlait une fois
de plus sa confiance en soi que parce qu’elle craignait qu’une bonne entente
entre la petite reine et lui pût à la longue menacer son propre pouvoir.
    — Ce n’est qu’une conjecture, dis-je, assez surpris de
m’entendre dire cela, car en mon for, je ne laissais pas de donner raison à La
Surie.
    — Mais l’histoire tout entière n’est que conjectures,
dit mon père avec un sourire. Car si on voulait s’en tenir aux faits nus, on se
résignerait à n’y entendre jamais rien.
     
    *
    * *
     
    Quoi qu’il en soit, lecteur, le pauvret, sur l’ordre de sa
mère, se leva de son lit sans un mot, soupa du bout des lèvres, blême de peur
et de vergogne. Puis la régente le venant trouver, et Berlinghen le précédant,
portant le bougeoir devant lui, il se dirigea vers les appartements de la
petite reine comme s’il allait poser la tête sur le billot de l’exécuteur. La
suite, vous la connaissez. Y compris le compte rendu qu’en fit la régente qui,
ne craignant pas d’ajouter le ridicule à l’odieux, publia le lendemain un
communiqué – monument d’impudence, de bêtise et d’indélicatesse dans
lequel il était annoncé, triomphalement, que le roi, par deux fois, avait
consommé son mariage. Toute la Cour entendit aussitôt que si ce document avait
été véridique, sa rédaction n’eût pas été nécessaire… Derrière la main ou
derrière l’éventail, on ne fit qu’en gausser.
    Quant à mon petit roi de quatorze ans, le lendemain et les
jours qui suivirent, il garda là-dessus bouche close et face imperscrutable,
comme il avait fait pour toutes les avanies et les humiliations dont il avait
pâti depuis la mort de son père.
    Je dois confesser ici que lorsqu’il se fut, en 1617,
débarrassé de Concini et de la reine-mère, le premier par la mort, la seconde
par l’exil, j’eus l’espoir, tant je le voyais redressé et portant haut la
crête, qu’il allait du même trot tenter derechef de faire ses preuves auprès de
la petite reine.
    Mais, mois après mois, l’année 1618 s’écoula tout entière,
sans qu’il prit de ce côté-là la moindre initiative. Louis était assidu au
Conseil des affaires, s’entretenait avec ses secrétaires d’État dès qu’ils lui
en faisaient la demande, recevait les ambassadeurs étrangers, manœuvrait ses
soldats, écoutait la comédie, se livrait avec passion à la chasse et, le soir,
passait des heures à s’entretenir affectueusement avec Luynes. À la petite
reine il concédait une visite de cinq minutes par jour, ne l’invitait jamais à
dîner, ne l’emmenait jamais en voyage, et ne partageait pas sa couche.
    Pendant toute cette année 1618 où il ne se passa rien,
grande fut l’agitation en Paris parmi

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