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Les Roses De La Vie

Les Roses De La Vie

Titel: Les Roses De La Vie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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certains des ambassadeurs étrangers,
quoiqu’elle fût fort chuchotée et à mots couverts.
    Dès que la déquiétante nouvelle lui parvint et qu’il fut
convaincu que les mois s’ajoutant aux mois, l’affaire ne s’arrangeait pas,
Philippe III se sentit fort offensé dans sa dignité royale, son pundonor [17] espagnol, et son affection
paternelle. Car il chérissait sa fille infiniment plus que Marie de Médicis
n’aimait la sienne.
    Ce que, au reçu des lettres de Monteleone, Philippe III
écrivit, ou prescrivit, alors à son ambassadeur n’est pas connu, mais on peut
le conjecturer d’après le zèle point toujours discret que le Grand d’Espagne
déploya alors. Il alla trouver le nonce et là, en présence du père Arnoux,
confesseur du roi, le trio confabula.
    — Messieurs, dit le duc avec hauteur, mon maître ne
peut point tolérer qu’un affront si grand et témoignant d’un tel mépris
continue d’être fait à l’aînée de ses Infantes.
    — Monseigneur, protesta aussitôt le père Arnoux, il ne
s’agit pas, Dieu merci, de mépris, mais d’une vergogne si profonde qu’elle
empêche Louis de ressentir les aiguillons de la chair.
    — Il se pourrait aussi, dit le nonce Bentivoglio (dont
la pureté de mœurs en Italie passait pour exceptionnelle), que Louis, n’ayant
jamais eu la moindre amourette, n’ait point l’expérience qu’il faut pour savoir
ce qu’il a à faire, et comment.
    — Eh quoi ? dit rudement Monteleone, n’a-t-il pas
vu un étalon à l’œuvre dans son haras ?
    — Monseigneur, dit doucement le père Arnoux avec un fin
sourire, l’étalon est aidé, d’abord par le boute-en-train, et ensuite par la
main de l’Écuyer…
    D’après Fogacer, le trio se sépara sans avoir rien résolu,
et le duc de Monteleone s’en fut fort mécontent et du père et du nonce, les
trouvant scrupuleux à l’excès et passablement timorés. C’est alors, sans doute,
que dans son zèle à servir Philippe III d’Espagne, germa dans son esprit
l’idée de faire directement auprès du roi cette démarche qui fit jaser
l’univers, dès qu’elle fut connue.
    Belle lectrice, avant que d’aller plus loin, je ne voudrais
pas que vous jugiez le duc de Monteleone sur ce pas de clerc que je vais conter
et qui est demeuré fameux dans les annales de la diplomatie. Car c’était, à la
vérité, un homme fort honorable, vertueux et même austère. Son physique en
témoignait, qui lui donnait l’air davantage d’un ascète que d’un duc. Il était
grand avec aussi peu de chair qu’il est humainement possible d’avoir sur les
os, un visage chevalin, un nez long quelque peu courbe qui paraissait tomber
sur des lèvres minces, les joues creuses et sillonnées de rides profondes, et
des yeux à la fois sévères et tristes qui paraissaient indiquer que le duc se
traînait à contrecœur en notre vallée de larmes dans l’attente impatiente des
félicités éternelles.
    Monteleone vint trouver Monsieur de Bonneuil et quit de lui une
audience avec Sa Majesté sur un ton si tragique que Bonneuil se demanda si
l’entrevue qu’il demandait ne présageait pas quelque nouvelle tension avec
l’Espagne. Et au lieu de passer par le truchement coutumier du secrétaire
d’État aux Affaires étrangères, Monsieur de Bonneuil communiqua incontinent au
roi la demande de l’ambassadeur et sur un ton si ému que Louis l’accorda tout
de gob. Pour la bonne intelligence de ce qui va suivre, belle lectrice,
permettez-moi de préciser qu’en vertu du contrat signé avec Madrid,
l’ambassadeur d’Espagne, quel qu’il fût, devenait ipso facto majordome
de la maison de la reine de France et avait, en conséquence, ses entrées libres
en ses appartements : privilège exorbitant et abus quasi incrédible que la
régente, malgré l’avis de ses ministres, avait eu la sottise, au moment de la
signature du contrat, d’accepter. Il ne lui était pas venu dedans l’esprit que
l’ambassadeur d’un pays le plus souvent hostile à notre politique disposait par
là même sur l’épouse du roi de France de la plus dangereuse influence.
    Pour en revenir à notre histoire, j’ai déjà noté que Louis,
lorsqu’il recevait un ambassadeur, l’accueillait avec une scrupuleuse
politesse. Il se levait, il allait à sa rencontre, et le saluait à plusieurs
reprises en soulevant son chapeau. Cependant, comme je l’ai conté au chapitre
premier du livre que voilà, il avait déjà eu maille à partir

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