Les Seigneurs du Nord
maintenant. Nous
marcherons pour secourir Guthred. Mais si Guthred ne nous aide point à prendre
Dunholm, je jure devant tous que je le tuerai, lui et tous les siens, et que je
prendrai son trône. Mais je préfère marcher sur le cadavre de Kjartan qu’être
le roi de tous les Danes et même celui de toute la terre. Ma querelle n’est pas
avec Guthred. Ni avec les Saxons. Ni même avec les chrétiens. Elle est avec
Kjartan le Cruel.
— Et à Dunholm, renchéris-je, il se
trouve un trésor d’argent digne des dieux.
— Nous trouverons donc Guthred, annonça
Ragnar, et nous combattrons pour lui !
La foule, qui un instant plus tôt voulait que
Ragnar les mène contre Guthred, accueillit la nouvelle sous les acclamations. Ils
étaient soixante-dix guerriers. Bien peu, donc mais parmi les meilleurs de
Northumbrie, et ils martelèrent leurs boucliers de leurs épées en criant son
nom.
— Vous pouvez parler, à présent, dis-je à
Beocca.
Mais il n’avait plus rien à dire.
Le lendemain, sous un ciel clair, nous
partîmes en quête de Guthred.
Et de Gisela.
TROISIÈME PARTIE
L’ombre qui marche
8
Nous étions soixante-seize guerriers, dont
Steapa et moi, tous à cheval et armés de pied en cap. Une quarantaine de
serviteurs à cheval portaient les boucliers et menaient nos destriers de
rechange. Naguère, Ragnar et moi pouvions lever deux cents guerriers, mais bon
nombre étaient morts à Ethandun, et d’autres avaient trouvé de nouveaux
seigneurs durant les longs mois de sa captivité. Cependant soixante-seize était
déjà un bon nombre.
— Et ce sont des hommes redoutables, m’annonça-t-il
fièrement. (Il chevauchait sous sa bannière à l’aile d’aigle. C’était une
véritable aile clouée au sommet d’une longue lance, et son casque était orné de
deux autres.) J’ai rêvé de partir ainsi à la guerre, durant tout le temps que j’étais
otage. Il n’y a rien de meilleur dans la vie, Uhtred, rien !
— Les femmes ?
— Les femmes et la guerre ! s’écria-t-il.
Son étalon dressa les oreilles et piaffa comme
s’il partageait la joie de son cavalier. Nous ouvrions la marche, mais une
dizaine d’hommes nous précédaient en éclaireurs. Ils étaient chargés de parler
aux bergers, d’écouter les rumeurs et de flairer le vent, puis de tout
rapporter à Ragnar. Ils étaient comme des chiens de chasse lancés sur la piste
de Guthred, que nous pensions trouver à l’ouest vers le Cumbraland, mais à
mesure que passait la matinée les éclaireurs virèrent à l’est. Nous avancions
lentement, ce qui agaçait Beocca. Pourtant, avant de galoper, nous devions
savoir dans quelle direction. Enfin, les éclaireurs, certains que la piste
allait vers l’est, éperonnèrent leurs montures et nous les suivîmes dans les
collines.
— Guthred tente de retourner à Eoferwic, devina
Ragnar.
— Il est trop tard pour cela.
— Ou bien il panique et ne sait plus ce
qu’il fait.
— C’est plus probable.
Brida et une vingtaine de femmes nous
accompagnaient. Elle avait noué ses cheveux et portait une cuirasse, une longue
épée et une cape noire retenue par une belle broche d’argent et de jais. Avec
le temps, elle était devenue une femme élégante. Sa prestance offensait Beocca,
car il l’avait connue enfant. Élevée en chrétienne, elle avait renoncé à sa foi
et Beocca en était irrité, mais je crois que c’était sa beauté qui le troublait
le plus.
— C’est une sorcière, siffla-t-il.
— Si c’est vrai, dis-je, c’est une bonne
chose de l’avoir à nos côtés.
— Dieu nous punira.
— Ce n’est pas la terre de ton dieu, ici.
C’est celle de Thor.
Il se signa pour se protéger de mes funestes
paroles.
— Et qu’as-tu fait la nuit dernière ?
demanda-t-il, indigné. Comment as-tu pu ne serait-ce que penser être roi ici ?
— Je descends de rois. Contrairement à
vous, mon père, qui êtes issu de porchers.
Il ne releva pas.
— Le roi est l’oint du Seigneur, insista-t-il.
Il est choisi par Dieu et l’assemblée des saints, saint Cuthbert a conduit la
Northumbrie à Guthred, comment as-tu pu imaginer pouvoir le remplacer ?
— Nous pouvons tourner bride et retourner,
dans ce cas.
— Retourner ? Mais pourquoi ?
— Parce que s’il est l’élu de Cuthbert, le
saint n’a qu’à le défendre. Guthred n’a nul besoin de nous. Il peut aller à la
bataille avec son cadavre de saint. Peut-être l’a-t-il déjà fait. Y
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