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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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un marchand de tabac de Lyon, chez qui je me servais. J’étais aller le confesser la veille. Le lendemain, quand je revins, il avait ramené plusieurs camarades qui se confessèrent aussi. Je leur donnai la communion, à plat ventre, sous les lits. Après la cérémonie, l’un d’eux dit   : « Eh bien, comme action de grâce, je paye une tournée. » Et il offrit une cigarette à chacun.
    — Personnellement j’ai constaté, par les confidences qui me furent faites, que pour beaucoup de prêtres, la concentration fut l’occasion d’une montée spirituelle. « Je ne peux pas recommencer comme avant. » – « Jamais je n’avais connu le prix de la souffrance comme ici. » – « Je crois que si je rentre, ma vie sera changée du tout au tout. » Voilà ce que souvent j’entendais. J’ai constaté que, malgré le brassage, le travail, la saleté, la différence de langues, une grande atmosphère de prière régnait dans les deux blocks de prêtres, à tel point que parfois on se serait cru dans un monastère. Chaque soir l’un d’entre eux donnait les « points de méditation » pour le lendemain. Chaque jour, on récitait en commun le rosaire et complies. La messe quotidienne était le centre de la vie spirituelle. Spontanément, nous avons dit ensemble les prières de l’offertoire. Cette messe faisait de nous tous, quelle que fût la nationalité, un seul corps et un seul esprit dans le Christ.
    — Le dimanche, avant la Libération, Munich, qui est à quinze kilomètres de Dachau, fut bombardé toute la journée. C’était à la fois, pour nous Français, réjouissant car cela annonçait la fin, et atroce car les trois cents prêtres allemands anti-hitlériens qui étaient avec nous en pleuraient. Je puis dire que nous avons « dissimulé » notre joie le plus possible, par affection pour ces prêtres allemands qui ont été pour nous charitables (240) .
    *
    Le 26 avril 1945, à 9 heures du matin, ordre est donné à tout le camp de se présenter, dans les trois heures, sur la place d’appel. Les responsables nationaux se rencontrent, s’opposent, font jouer leurs « influences », leurs « amitiés », protestent. Chantages, promesses, supplications… Des centaines de déportés se terrent. Vers midi, contre-ordre   :
    — Les Allemands seuls partiront   !
    Le soir enfin   :
    — Rassemblement des Russes, des Juifs, des Allemands.
    Un S.S. s’arrête devant le premier rang   :
    — Pour éviter les chaleurs de l’été, nous allons maintenant, messieurs, dans les belles Alpes de l’Otztal.
    Un déporté demande   :
    — Nous trouverons un camp aussi grand   ?
    — Non   ! Sachez seulement qu’au moins vingt pour cent d’entre vous n’arriveront pas… là-bas.
    — L’horloge (241) du camp marque exactement 21 h 27 quand nous franchissons la barrière d’entrée. Allons-nous à la liberté ou à la mort   ?… Huit mille hommes   : des Russes, des Juifs, des Allemands, dont cent prêtres, marchent maintenant silencieux dans la nuit, gardés par mille S.S. et de nombreux chiens.
    Mais nos amis ne nous abandonnent pas. Nous ne savions point que, dès notre sortie du camp, un vicaire en civil accompagnait notre colonne à bicyclette, transmettant en cours de route des renseignements à Munich. Le chanoine Daumuller avisait de Munich les curés de tous les villages où nous devions probablement passer   :
    « — Une colonne de dix mille détenus de Dachau, passent cette nuit dans vos villages   ; mettez sur pied vos paysans, faites tout pour ralentir la marche, arrangez-vous avec les S.S. Donnez à boire aux détenus, tâchez de créer du désordre pour leur permettre de s’enfuir   ! »
    Cependant, nous marchions silencieux dans la nuit. Dès la première heure, je vois, jetés à droite et à gauche du chemin, les premiers paquets. Les deux couvertures de laine que chacun avait dû emporter sont, pour nos corps épuisés, déjà trop lourdes. Mais bientôt les premiers détenus gisent sur le bord de la route, anéantis. Nous entendons des coups de feu dans l’obscurité… Pendant cette première nuit, nous faisons quarante kilomètres. Le matin, nous atteignons le premier camp dans le Mühltal près du lac de Starnberg. Je tombe sur le sol n’en pouvant plus, et m’endors. Des coups de feu me réveillent   : « Des gardes avec des chiens, des gardes avec des chiens   ! » Bon   ! quelqu’un s’est enfui, espérons qu’ils ne

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