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Les sorciers du ciel

Les sorciers du ciel

Titel: Les sorciers du ciel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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« tour » ne possédait qu’un étage. Là se trouvait la chambre où les captifs que l’on convoquait étaient interrogés.
    De la « tour », en général, nul ne sortait vivant. Les anciens déportés avaient eu vite fait de nous en informer, car la terreur régnait parmi eux au seul nom de cet antre de la mort. Je n’avais donc, quand le sous-officier allemand vint me chercher, aucune illusion à garder   : la fin de ma carrière était imminente. Mes camarades me regardaient partir d’un air consterné. Eux songeaient qu’ils ne me reverraient plus. En traversant le camp, je fis de toute mon âme acte de contrition, demandant à mon bon Maître de m’assister devant mes juges et offrant ma vie pour les miens et pour la France.
    Nous montâmes un escalier assez long et qui, pourtant, me parut terriblement court. Puis une porte s’ouvrit. J’entrai dans une vaste pièce traversée par une large table, derrière laquelle m’attendaient deux colonels, un commandant, un capitaine, tous en uniforme, et un pasteur dont la présence inattendue prenait une signification assez redoutable.
    — Monsieur, me dit sans préambule celui des deux colonels qui paraît le plus âgé, je vous annonce que vous allez être pendu.
    Me raidissant dans un sourire forcé   :
    — Monsieur, je vous remercie de cette bonne nouvelle. Vous recevez aimablement vos hôtes.
    — Je vous accorde dix minutes pour vous préparer à mourir, pour penser, comment dites-vous   ? Ah oui   ! pour penser à vos fins dernières.
    — Vous êtes encore plus aimable que je ne pensais   ! Préparer ses fins dernières, c’est là, précisément, la mission du prêtre.
    Les officiers ne répondent pas.
    Debout, je ne dis plus un mot. Simplement, je pense que, dans quelques instants, l’éternité va s’ouvrir pour moi. Je ne voudrais pourtant pas mourir sans avoir jeté à la face de ces misérables un peu de ce que j’ai sur le cœur…
    D’un geste brusque, le colonel retire sa montre, la pose sur la table   :
    — Plus que sept minutes.
    Le pasteur ferme les yeux.
    Je me tais.
    Le capitaine joue avec une règle.
    — Plus que cinq minutes.
    Pense-t-il m’épouvanter   ? Espère-t-il me voir m’abaisser jusqu’à lui demander grâce   ?
    — Trois minutes   ! scande la voix implacable.
    Alors une force inconnue me soulève. Le cri de tout mon être s’échappe, se libère…
    — Soit   ! Criai-je. Je vais mourir. Je ne crains pas la mort. Mais sachez bien que si vous avez le triste courage de tuer un vieillard de soixante-quatorze ans, aumônier pendant dix-huit ans des officiers de France, on dira dans toute l’Europe   : « Les Boches sont des assassins   ! »
    L’homme devant moi tressaute, devient blême   :
    — Boches   ! hurle-t-il, pourquoi Boches   ?
    — Parce que je suis Français. Le mot est dans le dictionnaire, avec sa signification si vous en avez besoin. Je ne changerai pas de langage.
    Puisque je suis perdu, pourquoi hésiterais-je à leur cracher mon mépris   ? Mais le bon Dieu ne veut pas encore de moi. Au moment où je crois que je vais paraître devant Lui, un véritable miracle se produit. Sidéré par tant d’insolence, le colonel se tourne vers son acolyte. Je l’entends murmurer   :
    — Il est drôle ce curé. Je n’en ai jamais vu comme celui-là.
    Les autres officiers se regardent. Ils semblent surpris et assez embarrassés.
    Enfin le colonel se retournant vers moi, d’un air qu’il veut magnanime   :
    — Pour cette fois, je vous pardonne.
    Je bondis.
    — Vous me pardonnez   ! Je n’en veux pas de votre pardon   ! On n’a besoin de pardon que lorsqu’on est coupable et je ne le suis pas. Je n’ai fait que mon devoir.
    — Vous êtes coupable puisque vous avez célébré un office religieux dans le camp alors que c’est défendu. Dieu n’a pas droit de cité ici   !
    — Un office religieux   ! Vous exagérez, monsieur, nous serions bien en peine d’en célébrer   : vous nous avez enlevé jusqu’à nos bréviaires. J’ai simplement essayé, en leur parlant de Dieu, de remonter le moral des malheureux que vous laissez souffrir et crever de faim. Où   ? Quand   ? avez-vous défendu cela   ? À quel endroit du camp est-ce affiché   ?
    — Eh bien   ! maintenant c’est moi-même qui vous le défends. Vous voilà prévenu. Vous obéirez.
    — Ce cadavre, qui n’a plus que la peau et les os, vous obéira peut-être parce que vous êtes la

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