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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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contacter ce matin, je savais que vous étiez occupé.
    — Vous pouvez le dire, si ce n’était notre amitié…
    — Je suis vraiment désolé. Comment s’est déroulée votre déposition ?
    — On m’a harcelé de questions. Heureusement que j’ai fait partie de la boîte ! Les flics ont passé au peigne fin le domicile de la victime, ils vont soumettre un rapport à la Préfecture. Ils ont conclu à un cambriolage qui a mal tourné, mais ça les tarabuste que je sois entré dans la maison d’une femme assassinée. J’ai eu beau m’en tenir à ma version, et soutenir que le comportement louche d’un vagabond m’avait alerté, ils sont dubitatifs. L’achat de salade destinée à ma tortue les a rendus hilares.
    — Je suis à votre disposition en cas de complications. Venez, Joseph nous espionne.
    Lucas Le Flohic comptabilisait les nimbus en expliquant à l’Odeur que son manque de courage lui avait fait rater la veille une rencontre de choix.
    — Cécile Sorel en chair et en os, puisque je vous le jure ! Manteau d’hermine et toque blanche, un honneur !
    — Cécile Sorbet ? Et puis quoi ? C’est votre faute, vous m’avez raconté que s’il pleut à partir de huit heures en hiver ça durera jusqu’au soir, j’ai suivi vos prédictions, je suis resté au pageot. Sauf que ça s’est arrêté à midi, mais à midi, moi, j’avais d’autres chats à fouetter.
    — Vous faisiez vos ablutions ? s’enquit ingénument Séverine Beaumont.
    — Madame, vous êtes d’une impudeur ! Évoquer publiquement l’intimité d’un homme !
    — Ce que vous pouvez être bégueule ! Oh ! moi, votre intimité, je ne m’en soucie guère, j’ai vu assez d’horreurs pendant le siège de Paris !… Non merci, monsieur, ces fascicules ne m’intéressent pas, je vous en alloue deux francs, et encore, pour être gentille.
    — Si c’est comme ça, je préfère les balancer à la Seine ! répondit, furieux, un bourgeois encombré de deux énormes sacs.
    — Passez muscade ! rétorqua la tricoteuse.
    — Moi, un muscadin ! Pourquoi pas un incroyable ! protesta l’Odeur.
    — Décrassez-vous les oreilles et vous entendrez mieux ! Ah ! ils m’embêtent tous, à la fin, je vais imiter les berniques sur mon pliant, grommela Séverine Beaumont en tournant le dos à l’Odeur.
    — C’est la vérité vraie, monsieur Legris, l’ Histoire de l’État et République des druides , de Noël Taillepied, publié en 1585. L’exemplaire laisse à désirer, mais il porte l’ex-libris d’Honoré d’Urfé ! Ça doit valoir une somme rondelette ! Penser qu’on me l’a proposé hier, alors que le quai avait l’aspect de la toundra !
    Fulbert Bottier piétinait d’excitation devant ses boîtes fermées.
    — Si le Tyrolien avait été là, il te les aurait soufflés, tes druides, marmonna Lucas Le Flohic.
    — Le Tyrolien ? demanda Victor.
    — Georges Moizan, on l’appelle ainsi à cause de son chapeau à plumes.
    — Tous aux abris ! brailla la tricoteuse.
    Un petit fonctionnaire à redingote élimée retournait l’étalage de Lucas Le Flohic, trop lent à réagir. Plus preste qu’une tornade, il manipulait les livres avec la dextérité d’un jongleur, mais les rejetait sans ménagement avec la désinvolture d’un chiffonnier. En un quart de tour, les couvercles furent posés par-dessus les boîtes de l’Odeur, de Séverine Beaumont, de Raoul Pérot et ne se soulevèrent que lorsque le bonhomme eut disparu à l’intérieur de la Caisse des dépôts et consignations, par-delà le pont Royal.
    — Déridez-vous, Joseph, le croquemitaine ne reviendra plus aujourd’hui, chuchota Victor.
    — Le combien sommes-nous ?
    — Le 14 janvier.
    — C’est mon anniversaire et personne ne me l’a souhaité ! Voilà ! s’exclama Joseph d’un ton tragique. Et en plus, j’ai toujours mal au doigt !
    — Mince ! J’ai oublié ! Je suis désolé.
    — Je compte pour du beurre dans cette famille !
    — Je vous donne ma parole que nous comblerons cette fâcheuse lacune.
    — Ouais, ben c’est trop tard. Les pétards mouillés, très peu pour moi !
    Raoul Pérot, qui, de toute évidence, retenait un fou rire, décocha un clin d’œil malicieux à Fulbert Bottier.
    « Pour couronner le tout, ils se paient ma fiole ! Je leur volerai dans les plumes s’ils continuent ! » rumina Joseph, les poings crispés, une boule dans la gorge.
    Il ignora sciemment la survenue de

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