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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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cognac ! C’est de la Cérébrine qu’il me faut, ce charlatan de dentiste m’a bouché l’alvéole avec une saleté contre l’infection, j’ai la mâchoire en feu ! Si je n’logeais pas au rez-de-chaussée j’me jetterais par la fenêtre !
    — Adressez-vous à M. Mori, jeta Victor en enfourchant sa bicyclette, il bat l’apothicaire !
    Quelques tours de roues plus loin, une association d’idées s’insinua en lui : cognac… molaire… dentiste…
    — Mon vieux, tu es sur la bonne voie ! claironna-t-il.
    Un passant se gara de justesse et le suivit des yeux, l’index vissé à la tempe.
     
    En toute autre circonstance, Raoul Pérot eût été ravi de recueillir les conseils de Lucas Le Flohic sur l’art de restaurer les livres, mais, ce matin-là, il guettait Victor et eût préféré demeurer seul.
    — La panacée, c’est la colle de pâte à froid. Vous l’étalez sur le plat et la reliure devient luisante. Attention aux grumeaux ! Je vous préconise de rapetasser les coins écornés de vos reliés avec ce produit et un marteau de tapissier, oui, oui, un marteau.
    L’Odeur s’approcha d’eux, la mine consternée.
    — On m’a encore barboté un cadenas ! Pétrarque laissait ouverte sa porte jour et nuit !
    — Ma grand-mère aussi, renchérit Séverine Beaumont. Les temps changent. Où va-t-on si des fêlés se débarrassent de macchabées dans nos boîtes ? Sans mentionner ceux qui nous piquent de la camelote pour l’enterrer au fin fond de leur tannerie.
    — Tannerie ? répéta Raoul Pérot.
    — Leur bibliothèque, quoi. Oh ! Zyeutez ce vilain coco !
    Un vieillard à redingote et pantalon blanc relevé jusqu’aux genoux, un stick à la main, déambulait en exécutant une danse guerrière.
    — C’est un ancien critique littéraire, souffla Lucas Le Flohic. Il a usé sa vie à démolir les écrivains.
    — Il a un nom prédestiné : Agricol Tourte, ajouta l’Odeur.
    — Alfred de Vigny a sabré Hugo, Eugène de Mirecourt s’en est pris à Dumas père, et M. Tourte, dont aucun roman n’a été édité, exècre la totalité des auteurs, conclut Lucas Le Flohic. Tiens, voilà M. Legris à cheval sur sa draisienne !
    Victor adressa un salut à la ronde et un signe de connivence à Raoul Pérot. Ils s’isolèrent près des boîtes closes de Fulbert Bottier.
    — Il n’ouvre plus ?
    — Il est dégoûté. Peut-être Valmy l’a-t-il convoqué à la morgue ainsi que nous allons tous l’être. La rumeur court qu’Angélique Frouin serait incriminée. Elle est actuellement à l’Hôtel-Dieu.
    — La cardeuse ? C’est absurde ! Il y a pourtant d’autres coupables potentiels. Cela va vous sembler fou, j’ai un plan pour identifier la tête du bois de Boulogne. Fulbert m’a appris que Georges Moizan s’était fait poser une dent à pivot…
    Il lui chuchota quelques mots à l’oreille. Raoul Pérot fit la grimace.
    — Soyez chic. Je vous promets de vous offrir les publications posthumes de Jules Laforgue 3 quel que soit le résultat.
    — D’accord. J’espère tromper la vigilance de la police. Je vous apporterai un croquis en fin d’après-midi au Temps perdu.
    — Eh, m’sieu Pérot, ne capitulez pas ! Méprisez ces odieux nuages sur le trou de Meudon, ils vont crever ailleurs ! clama Lucas Le Flohic.
     
    — Elle raflait les ouvrages en vélin, m’a révélé Fulbert. Si nous nous en tenons à l’explication de Mélie, c’était pour fermer ses pots de confitures. Il nous revient de déterminer si cette frénésie d’acquisitions ne dissimule pas un autre objectif. Pourquoi Philomène Lacarelle aurait-elle épargné le singulier recueil tombé entre vos mains ?
    — Parce que c’est un code qui mène à quelque chose de précieux. Et ce quelque chose, l’inconnu qui perpétue ces meurtres est persuadé de le trouver sur des pots de confitures. Il n’y a qu’un moyen de clarifier ce méli-mélo, il nous faut déchiffrer les stances alambiquées de Margot Fichon.
    Cette conversation entre Victor et Joseph se déroulait au Temps perdu . Joseph, soucieux, chipotait des frites. Il venait de se souvenir d’un détail : Euphrosine avait offert plusieurs pots de confitures à Iris. Lui venaient-ils d’un des membres des Croque-Fruits ?
    — Joseph, les frites, dans la bouche, pas dans la narine.
    — Euh, oui… Mon intuition me soufflait de loucher du côté de Gaétan Larue, de Ferdinand Pitel et d’Amadeus, parce que vraiment,

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