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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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quelle caboche s’agit-il ?
    Victor tressaillit. Bras croisés sur sa chemise de nuit, sourcils froncés, Tasha le considérait avec une expression farouche.
    — Qui était-ce ?
    — Oh, ça ? Une futilité. Raoul Pérot me prévenait que la police détient peut-être la tête du décapité. Il me conseille d’acquérir un journal et d’en discuter avec lui.
    — Ne déforme pas tes propos, je t’ai entendu annoncer : « Je prétexte un achat, j’échappe à Kenji et je vous rejoins quai Voltaire. »
    — Bien sûr, Raoul insistait tellement ! Nous nous évertuons à disculper Fulbert.
    Elle décroisa les bras et le menaça de l’index.
    — J’ai confiance en toi, tâche de t’en souvenir. Plus d’enquêtes. Et si notre amour ne suffit pas à te détourner de tes démons, que la sécurité de notre fille assume la fonction de garde-fou !
    L’allusion à la lettre parafée « Ta fleur de mai » lui brûlait la langue mais elle s’interdit de la mentionner, déconfite d’admettre son indiscrétion.
    Victor jura ses grands dieux qu’il avait renoncé aux investigations. Ils échangèrent un long baiser. Dès qu’ils eurent déjeuné, il se vêtit à la hâte, sauta sur sa bicyclette et s’empressa de pédaler jusqu’à la place Blanche où il acheta la dernière édition du Passe-partout .
     
    La tête emmaillotée d’un bandage, la joue gauche enflée, Mme Ballu gémissait en déversant une bassine d’eau chaude sur le trottoir verglacé. Victor ralentit à sa hauteur et se retint de justesse de lui demander si elle envisageait de participer à un bal masqué déguisée en lapin.
    — Que vous arrive-t-il ?
    — Le dentiste m’a extirpé une molaire. Je ne souhaite ce supplice à personne, pas même à mon meilleur ennemi.
    — Rincez-vous la bouche au cognac, cela soulage.
    — Vous êtes comme mon cousin Alphonse, vous, n’importe quel remède pourvu qu’il contienne de l’alcool !
    — Où travaille-t-il, votre cousin ?
    — Au ministère des Cultes, 66, rue de Bellechasse. Rond-de-cuir, c’est mieux que l’armée, la fréquentation des ratichons, ça le bonifie !
     
    Le magasin somnolait. Depuis l’algarade avec Mme de Salignac, une partie de la clientèle s’était révélée antidreyfusarde au point de boycotter la librairie Elzévir. Joseph meublait les heures creuses grâce au maniement du plumeau et au découpage de faits divers insolites destinés à être collés dans son calepin.
    — Du neuf ? s’exclama-t-il à la venue de Victor.
    — Où est Kenji ?
    — À l’étage.
    — Suivez-moi.
    Ils allèrent dans l’arrière-boutique et, dès que Victor eut appuyé son vélo contre un rayonnage, il puisa au fond d’une sacoche un Passe-partout roulé en cylindre et le tendit à Joseph.
    — Première page, deuxième colonne.
    — Germinie Laize, Constant Venette, qui c’est ces zèbres-là ?
    — Achevez donc, vous saisirez.
    — Mince ! s’écria Joseph quand il eut fini. Ça se corse. Ne bougez pas, j’ai une chose capitale à vous montrer.
    Victor l’entendit dégringoler au sous-sol et remonter quatre à quatre, un opuscule à la main.
    — Le bouquin que Philomène avait confondu avec le Traité des confitures .
    — Vous l’aviez et ne m’en touchiez mot ! C’est du propre.
    — Je l’ai débusqué dans la remise, rue Visconti, hier soir à une heure indue, débita Joseph d’un trait.
    Son honnêteté s’accommoderait de cette légère modification chronologique.
    Victor s’abstint de remarquer qu’il aurait dû lui téléphoner cette nouvelle avant l’ouverture et se plongea dans l’examen du recueil. Le texte sur vélin l’intrigua autant que Joseph.
    — Margot Fichon. Jamais rencontré ce nom au fil de mes lectures. Des monceaux de latin, flûte.
    Il s’attarda sur le second document.
    — Du papier chiffon. Un feuillet a été arraché, curieux.
    Il ouvrit le recueil au hasard et déchiffra mezza voce  :
    22 novembre 1847. J’ai passé des années à tenter d’élucider l’énigme de la comptine en langue d’oïl précédant le rituel de sorcellerie composé en latin du bas Moyen Âge. Et je suis parvenu à la conclusion qu’il recèle la clé menant au secret merveilleux, que j’ai longtemps qualifié de calembredaines, et qu’après une longue quête je crois avoir été en mesure de clarifier. Désormais, je détiens la vérité à ce sujet et je connais le lieu où se rendre afin de la confirmer.

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