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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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première page où s’étalait un titre gras :
    A SSASSINAT D’UNE MODISTE
    La police piétine
    « Aucune piste dans le meurtre de Mlle Annie Chevance, modiste rue de Paradis. Le commissaire principal Valmy va procéder à l’interrogatoire des relations de la victime. Selon un témoin présentement hospitalisé, Mlle Chevance faisait partie d’un cercle de confiturières baptisé “les Croque-Fruits”. La mort de Mlle Chevance serait-elle liée à celle de Mme Lacarelle, retrouvée assommée près d’un chaudron en cuivre ? »
    Adeline Pitel laissa retomber le quotidien et étudia d’un air pensif son reflet dans la vitrine. Elle replia soigneusement le journal avant de franchir le porche de la cathédrale.
    1 - Grosse tête, peu d’intelligence, en langue limousine.

    2 - Paul Lacroix, dit « le Bibliophile Jacob », polygraphe érudit français, 1806-1884.

    3 - Les Derniers Vers de Laforgue (1890), publiés par ses amis Félix Fénéon et Édouard Dujardin.

    4 - Cette statue élevée en 1889 fut fondue par l’occupant allemand pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Chapitre XV
    Jeudi 20 janvier
     
    Au retour de Joseph, Kenji papillonnait autour de la jolie Mlle Mirande, et Victor étalait sur le tapis vert de la table centrale à l’intention de M. Chaudrey, tout émoustillé, des gravures réalisées d’après des tableaux de Boucher.
    — Alors, monsieur Pignot, on vient se rincer l’œil en ma compagnie ? chuchota l’apothicaire d’un air salace. N’est-elle pas affriolante, cette coquine à plat ventre sur ses draps froissés ?
    — Il faut que je vous parle, murmura Joseph à son beau-frère.
    — Excusez-moi un instant, dit-il à M. Chaudrey.
    Ils se rendirent dans l’arrière-boutique.
    — Vous êtes livide, remarqua Victor.
    — Y a de quoi ! Ça vous dégoûterait d’avoir mal aux dents ! Un véritable cabinet de torture : des daviers, des fraises, des crochets, des espèces de clés, des leviers, des pieds-de-biche…
    — Pourquoi pas des scies et des marteaux ? Le croquis de Pérot a-t-il servi à quelque chose ?
    — Le praticien a confirmé votre hypothèse : il s’agit bien des mâchoires d’un de ses patients, Georges Moizan, qui d’ailleurs lui doit une somme rondelette.
    — Il n’est pas près de le rembourser. Quel peut être le lien entre ces crimes ? Sosthène Larcher et Georges Moizan, libraires. Philomène Lacarelle et Annie Chevance, expertes en confitures. Le même assassin pour ces quatre victimes ? Qui ?
    — Quelqu’un qui est aussi gourmand de lecture que de fruits cuits.
    — J’ai un trio en tête : l’élagueur, le cordonnier, le joueur de piquet. Il faut les avoir à l’œil. Suggestion : on se partage les deux premiers dimanche matin, vous suivez Gaétan Larue, je m’attache aux basques de Ferdinand Pitel, et nous nous efforçons de les radiographier aux rayons X de notre intellect.
    — Pourquoi dimanche ?
    — Parce que c’est le seul jour de la semaine où la librairie soit fermée.
    — Ce qui signifie : pas de grasse matinée. Et Amadeus ?
    — On se le garde pour la bonne bouche.
    Victor allait ajouter que les bouquinistes demeuraient en lice, mais préféra se taire.
    — Monsieur Legris, mon choix se porte sur Mlle O’Murphy , mais il faudrait recouvrir cette dame dénudée d’un vêtement anodin, une carte de France par exemple, sinon ma douce moitié va me chanter pouilles !
    — Nous arrivons, monsieur Chaudrey, Joseph est le roi des emballeurs !
     
    Kenji montait l’avenue de l’Opéra. À la hauteur du bureau de poste, il fut abordé par une femme hérissée de plumes et d’épingles à perles. Il eut un mouvement de recul face à cette créature qui semblait être le fruit des amours d’une autruche et d’un porc-épic.
    — Mon Mikado ! Tu me bats froid ?
    — Fifi !… Fiammetta !… Archiduchesse Maximova !
    — Simplement Eudoxie, pour vous, pour toi ! Mon époux m’a répudiée et je n’ai jamais été aussi heureuse. Je me suis trouvé un protecteur en la personne d’un pauvre veuf.
    — Je sais, Stanislas de Cambrésis est loin de manquer de numéraire.
    — J’ai dit pauvre veuf, non veuf pauvre. Mettons que ses revenus m’accordent le privilège de vivre en célibataire dans un luxe relatif et de le rencontrer le moins souvent possible pour alimenter les cancans du boulevard Saint-Germain. J’en connais un bout sur le cancan, hein, mon chou ? C’est

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