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Les souliers bruns du quai Voltaire

Les souliers bruns du quai Voltaire

Titel: Les souliers bruns du quai Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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l’commissaire ! Faut comprendre, j’suis aveugle ! Vous croyez qu’les vieilles bigotes me donneraient autre chose que des boutons de culotte si elles me surprenaient en train d’bouquiner ? C’que j’sais, c’est qu’la Philomène, elle fabriquait des confitures avec des copines. Au Nouvel An elle me refilait d’la gelée d’groseille, seulement moi, je déteste la gelée d’groseille, ça m’flanque des aphtes. Et puis, elle jouait aux cartes à domicile avec un évadé de Charenton.
    — Décris-le-moi.
    — Ben, question fringues, il se pose un peu là ! Une gravure de mode du siècle de la Révolution.
    — Son nom ?
    — Mes souvenirs traînent la patte… À ce qu’il paraît, c’est celui d’un compositeur d’opéras. Ça commence par un  A .
    — Adolphe Adam ? suggéra Valmy.
    — Non, ça ressemble à du latin.
    — Mozart, dit Kenji.
    — J’ai dit un  A .
    — Wolfgang Amadeus Mozart.
    — Comment ? Amadeus ?… Peut-être… Vous voyez j’coopère, m’sieu l’commissaire. Dites, vous n’allez pas m’envoyez au dépôt, parce que la concurrence est rude, quand je sortirai ma place sera prise, je s’rai au chômage.
    — Tu te fiches de moi, tu prêches le faux pour avoir le vrai ! Tu serais trop heureux que je t’incarcère, deux mois nourri, logé, blanchi aux frais du contribuable, ça te plairait, hein ? Tu vas être déçu, je passe l’éponge, je ne retiendrai pas tes propos injurieux à l’égard d’un représentant de l’ordre, toutefois sois prudent, confonds-toi avec la muraille, l’assassin saura que tu as séjourné dans mon bureau, il s’interrogera à ton sujet, tu as intérêt à avoir des yeux derrière la tête. Quand tu seras décidé à te confesser, fais-le-moi savoir. Pétrus !
    La porte s’ouvrit sur le planton.
    — Escorte ce lascar, il est libre. Excusez-moi, monsieur Mori, je tenais à ce que vous constatiez de visu ma façon de procéder. Douceur et fermeté. J’ai obtenu le nom d’un nouveau suspect. Amadeus. Il ne me reste plus qu’à le cueillir.
    — C’est édifiant. Que puis-je pour vous ?
    — Vous êtes un homme sensé, monsieur Mori, je vais donc vous prier d’user de votre autorité sur votre fils adoptif. Qu’il se tienne à l’écart, je vous en serais très reconnaissant. Saviez-vous que l’on a retrouvé un cadavre sans tête dans l’une des boîtes d’un de ses amis bouquinistes ?
    — Il m’eût été difficile de l’ignorer, les journaux en ont fait leurs choux gras. Quant à M. Legris, je vous rappelle qu’il va avoir trente-huit ans et que mon influence sur ses actes se borne à de paternels conseils.
    — Votre fils ou votre gendre ont-ils prononcé le nom de Mme Lacarelle en votre présence ?
    — Non, je m’en souviendrais, rien ne m’échappe.
    — Si vos associés laissaient filtrer la moindre information, j’ose espérer que vous m’en feriez part.
    — Je n’y manquerai pas.
    — Parfait, je compte sur vous. Excusez-moi du dérangement.
    — Mes respects, monsieur le commissaire.
    — Monsieur Mori… Je suis à la recherche des Mémoires de Vidocq , si par hasard…
     
    Le téléphone grelotta alors que Victor portait sa cuiller à sa bouche. La sonnerie aigrelette provoqua comme d’habitude les pleurs d’Alice et la course effrénée de Kochka dans l’appartement.
    — Ne réponds pas. Cet appareil m’horripile, tu n’aurais pas dû nous l’imposer, protesta Tasha.
    — Mais, ma chérie, suppose que ce soit important, Kenji, ou Iris…
    — Ou Joseph le vaillant détective ? ajouta-t-elle d’un ton railleur.
    Il alla décrocher, la main devant les lèvres au cas où la discrétion eût été de mise.
    — Allô ? Je peux parler ? C’est Gouvier. Je me suis renseigné à propos de la ficelle qui ligotait Sosthène Larcher, elle était rouge, ça vous satisfait ?
    — Mille mercis.
    Victor retourna à table. Tasha avait recouvert son bol d’une serviette.
    — Alors, cette importante nouvelle ?
    — Une erreur.
    — J’ai distinctement perçu : « Mille mercis. »
    — Je remerciais ce crampon de raccrocher.
    Victor s’efforçait de calmer Tasha, tout en échafaudant des théories sur les utilisateurs de ficelle rouge, ce qui le ramenait aussi bien aux bouquinistes qu’aux adhérentes assassinées du club des Croque-Fruits.
    — Rouge, marmonna-t-il.
    — Pardon ?
    — Ce bouillon est… tellement brûlant que… j’ai les joues

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