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Les spectres de l'honneur

Les spectres de l'honneur

Titel: Les spectres de l'honneur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hurlements, injures, bondissements des chevaux l’encolure tendue, soufflant à pleins poumons, roulant un assourdissant, un étourdissant orage de fers entrechoqués et entraînant les rangs serrés des chevaliers courbés sur leur cou, agitant convulsivement les armes du succès ou de la défaite, l’œil écarquillé, la bouche sèche, comme affriandée de meurtre et se ruant dans les suprêmes efforts de leurs compères à quatre jambes tout aussi excités qu’eux-mêmes… Percer la ligne ennemie, la rompre comme la maîtresse vague d’une tempête, poursuivre les vaincus ou être poursuivi. Occire ! Occire ! Occire !… Pied à terre tandis que les chevaux vivants s’ébrouent à leur aise, secouant leur crinière tout en hennissant du bonheur d’avoir survécu…
    Était-ce raisonnable d’encourager Hélie à ce « métier » des armes ?
    – Je suis las, mon père, de la guerre. J’ai obtenu la satiété.
    – Vous avez, pour votre fils, un autre combat à livrer… La foi y remplacera votre épée.
    Hervieu de Cubières se pencha sur Hélie.
    – Quel est ton âge ?
    – Dix ans.
    – Dix ans, onze ans, douze ans… Ne les abîme point.
    C’était dit d’une voix assourdie, lointaine ô combien, comme si le tonsuré se trouvait à mi-chemin de la terre et du ciel.
    – Vous, dame, aimez votre fils comme il doit l’être. C’est un gars, donc pas d’extrême tendresse… L’enfant parfois sépare les couples mieux que la guerre.
    Et d’une voix dépourvue d’intonation :
    – Partez le cœur en paix… Je vous ai tout dit.
    Ils revinrent vers l’église devant laquelle les chevaux commençaient à subir les feux du soleil :
    – Je vous vois, messire, porter la main à votre escarcelle… Je ne veux rien… Lorsque vous reviendrez, faites-moi l’aumône d’une visite… Vous avez un beau cheval.
    – Il se nomme Alcazar.
    – Est-il espagnol ?
    – Nullement, mais il a estampé 261 sur les chemins de Castille.
    – Ah ! L’Espagne, soupira Hervieu de Cubières. Combien faut-il de victimes pour produire un héros ?
    Il savait. Tristan comprit qu’il n’en dirait pas davantage. Quant à lui, il pouvait s’exprimer sur tout excepté sur l’Espagne. Il souleva Hélie qui prit place à l’avant de la selle. Il abandonna les rênes à son fils afin d’aider Maguelonne à s’asseoir sur la sambue de Doucette, sa jument, dont la blancheur était presque aussi nette que celle d’Alcazar.
    – Partez le cœur en paix, dit le clerc.
    Lorsque Tristan se retourna, Hervieu de Cubières était immobile, comme confondu avec le mur de l’église contre lequel il s’était adossé.
    – Il me fera oublier Béranger Gayssot.
    – Qui ? demanda Maguelonne.
    – Un démon en froc de bure.
    Hervieu de Cubières ne bougeait toujours pas. Tristan eut le sentiment qu’ils étaient l’un et l’autre tentés de lever la main en signe d’adieu mais ne l’osaient.
    Quand il regarda de nouveau en arrière, le prêtre entrait dans le saint lieu dont le clocher lui parut plus haut, plus blanc sous le soleil de midi que lors de sa venue. Il se pencha pour baiser Hélie dans le cou tandis que des bribes des saintes Écritures, oubliées depuis longtemps, lui revenaient à l’esprit : «  Venez à moi, vous tous qui êtes las et qui êtes chargés, et je vous soulagerai… Prenez mon joug sur vous et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes, car mon joug est doux et mon fardeau léger. » Maguelonne, qui s’était laissé distancer, se porta soudain à sa hauteur :
    – Quand partons-nous ?… Car tu acceptes d’aller au Puy ?
    Elle était belle ainsi, livrée aux tenailles d’un tourment qu’ils partageaient ensemble.
    – Nous irons, dit-il.
    – Tu en es sûr ?… Je crains… J’ai peur d’un décevement 262 .
    – Nous irons. Je te le promets.
    Elle avait des questions craintives sur les lèvres et dans les yeux quelque chose de sombre comme un remords. Se croyait-elle coupable d’avoir tenu neuf mois Hélie dans son ventre et de lui avoir transmis un mal qu’elle avait contracté ?
    – Aie confiance.
    Tristan se dit qu’il avait chaud. C’était sans doute son émoi – ou plus précisément son angoisse – qui lui faisait la chaleur plus forte qu’elle n’était. Maguelonne le vit s’engager dans un sentier de traverse.
    – Nous ne sommes pas venus par ce chemin !
    – N’aie crainte. Ce

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