Les templiers
tendances, on y reconnaît les mêmes procédés et tactiques. La lutte de Philippe le Bel contre le pape n’est que le début d’une grande entreprise préfigurant la destruction du Temple.
Boniface VIII passait pour un pape mondain et très dur. Son tempérament autoritaire le rendait impopulaire, comme l’orgueil traditionnel des chevaliers du Temple. Nogaret tabla là-dessus.
Nogaret, fils d’Albigeois, immola un pape, un évêque, un ordre religieux, avec le fer sacré de ses propres armes adroitement avivées par la calomnie. Il les accabla sous la terrible et grave accusation d’hérésie. Toutes les rigueurs de la procédure de l’Inquisition furent utilisées par ce singulier défenseur de l’orthodoxie et de la discipline ecclésiastique, plus catholique que le pape.
Ses qualités d’homme d’action, il les affirma dès 1303 en proposant de chasser hors du royaume de France tous ceux qui ne voulaient pas adhérer à son manifeste contre Boniface. Il alla même jusqu’à mener les bandes de la Romagne à l’assaut du palais d’Agnani.
La confiscation des biens du Temple, comme ceux des Juifs en 1306, porte la trace de la pénurie des finances royales. Les Templiers ne pouvaient être soumis à l’arbitraire. Ils étaient protégés par l’immunité ecclésiastique. Contre eux, la violence ne suffisait pas. Il fallait inventer un système d’artifices juridiques et esquisser des apparences de légalité. On osa néanmoins entreprendre de dépouiller le Temple, comme on avait déjà dépouillé les Lombards et les Juifs.
Pendant que Clément V essayait de sauver le Temple et de gagner du temps en gardant la chambre, plusieurs princes, et les chefs du Temple eux-mêmes, savaient que le roi de France accusait l’Ordre d’énormités relatives à la foi, et que Nogaret avait bâti tout un assemblage de calomnies.
Au début de l’automne 1307, Philippe le Bel arriva dans sa chère abbaye de Maubuisson et fit savoir à l’abbesse, Isabelle de Montmorency, qu’il s’installait pour quinze jours. Il avait à ses côtés, Gilles Aycelin, archevêque de Narbonne et Garde des Sceaux, Guillaume de Paris, conseiller intime du roi, et l’indispensable Nogaret. Le roi avait décidé d’arrêter tous les Templiers. Pour Gilles Aycelin, toute arrestation serait illégale ; plus cet acte pouvait dresser contre le roi le nouveau pape Clément V et réveiller la vieille querelle du spirituel et du temporel. Nogaret et Guillaume de Paris, plus subtils à saisir la pensée royale, émirent l’idée de ne pas mettre l’Ordre entier en cause, mais simplement les membres français. Aycelin s’entêta, le roi passa outre. Vexé, le Garde des Sceaux se leva et se démit de sa charge. Le roi la confia sur le champ à l’avide Nogaret qui scella aussitôt l’ordre d’arrestation daté de Maubuisson. La séance se tînt le 23 septembre 1307. Le sort du Temple fut placé entre les mains inexorables de Nogaret. Les chevaliers ne se méfiaient aucunement. Molay était persuadé avoir justifié l’Ordre lors de son entrevue avec le pape. Le 12 octobre, il assista même aux obsèques de Catherine, femme de Charles de Valois, belle-sœur du roi, et il porta un des cordons du poêle.
Le 13 au matin, de bonne heure, et au même moment, tous les chevaliers de France furent arrêtés et leurs biens mis sous séquestre, au nom de la sainte et infaillible Inquisition.
Nogaret avait sournoisement et silencieusement préparé son coup. Le Grand Inquisiteur, Guillaume de Paris, avait envoyé des instructions à tous les prieurs dominicains pour leur enjoindre de recevoir et d’interroger les Templiers qui leur seraient présentés, et cela dans les plus brefs délais. Ce lavage de cerveau rapide était nécessaire en vue d’un interrogatoire général.
Philippe le Bel et Nogaret révélèrent leur caractère par l’intérêt qu’ils mirent à accomplir leur tâche dramatique. Dès les premières heures du 13 octobre, Nogaret fit une proclamation à la foule pour justifier l’arrestation, comme il l’avait fait quelques années auparavant contre Boniface VIII. Dans le prologue de son discours, il se montra verbeux et prétentieux. En juriste éclairé, on ne peut pas le nier, Nogaret savait que, malgré un réquisitoire fondé, il était plus important de donner au peuple une procédure régulière. Il s’empressa de démontrer que le roi n’avait d’abord pas cru un piètre mot de l’accusation
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