Les templiers
escamotant les sentences d’un concile. Clément V se sentait maître de certains pères du concile soumis au roi de France, mais ils n’étaient qu’un petit nombre perdu au milieu de trois cents autres. Le concile était œcuménique, aussi vit-on arriver les prélats d’Allemagne, d’Aragon, du Portugal, de Castille, quelques-uns d’Italie, qui, pour la majeure partie d’entre eux, avaient acquitté les Templiers dans leurs circonscriptions juridiques. À la majorité, les évêques réclamèrent une discussion en règle. L’embarras fut à son comble lorsque sept chevaliers du Temple, qui avaient réussi à s’enfuir dans les montagnes du Lyonnais, se présentèrent inopinément au milieu de l’assemblée, demandant à être entendus dans la défense de leur Ordre. Clément dénonça à Philippe les fugitifs du Lyonnais. Le roi, sans perdre de temps, les fit enfermer, sans autre droit que celui de la force. L’indignation de certains prélats ne toucha pas le pontife, et le conflit entre ces prélats et le pape dura trois mois. Le roi pensa que le concile ne finirait jamais s’il n’allait pas lui-même à Vienne. Le stratagème de Tours, en 1308, fut expérimenté à nouveau à Lyon. Les dociles et fidèles Etats-Généraux se. réunirent et permirent au roi de montrer une fois de plus sa lâcheté. Il dépêcha Enguerrant de Marigny pour annoncer son arrivée au pape. Le roi arriva,, en effet, mais entouré d’une véritable armée. Il parut au milieu des évêques et s’assit à côté du pape sur » un siège plus bas.
Devant les pères du concile silencieux face à cette intrusion royale, le pape s’empressa de faire lire une bulle qu’il avait élaborée d’avance en collaboration avec les gens du roi. C’était le 22 mars 1312. Par cette bulle « Vox in excelso » le pape supprimait l’ordre du Temple pour les motifs suivants :
— l’Ordre est fortement entaché d’hérésie,
— le Maître et beaucoup de membres ont fait des aveux touchant à l’hérésie et à la débauche,
— l’Ordre est odieux aux prélats et au roi,
— aucun homme de bien n’a voulu prendre sa défense,
— l’Ordre n’est plus d’aucune utilité pour la Terre Sainte en vue de laquelle il a été créé,
— la levée de la sentence pourrait amener la perte des biens.
La soumission et la lâcheté de Clément éclatent en pleine lumière. Cependant, il avoue qu’il n’existe aucune preuve suffisante pour justifier une condamnation canonique. Il fallait une solution provisoire. Le pape, n’ayant pas le droit de juger définitivement et de se substituer à un concile, suivit l’avis de l’évêque d’Angers, Guillaume de Maine, fidèle partisan de Philippe le Bel, selon lequel il pouvait juger par voie de provision.
Clément V supprima donc l’Ordre du Temple, mais la question juridique fut renvoyée à un autre concile qui ne se réunit jamais. Seul un nouveau concile pouvait dire si l’Église condamnait ou acquittait le Temple. L’Église n’avait aucun pouvoir pour approuver et débouter, car la bulle « Vox in excelso » fut ratifiée par Jean XXII, mais ne fut pas mise en application dans toute sa teneur.
Ainsi périt le Temple, supprimé, mais non condamné. Il fut égorgé injustement, car il est dit : malheur à qui gêne l’homme puissant ! Il fut égorgé sans résistance, car les Templiers reçurent la mort avec douceur. Le courage actif de la résistance ouverte, les Templiers ne l’eurent pas. Ils ne firent preuve que d’un héroïsme passif de victimes. Cette attitude les décharge complètement de l’accusation que l’histoire a portée sur eux : être un État dans l’État.
Qu’à aucun moment de leur procès, les Templiers de France n’aient eu la velléité de se servir contre l’Église de leur épée bénite par l’Église, malgré l’asservissement d’un pape aux passions d’un prince temporel, voilà la trace la plus manifeste de leur innocence, de leur soumission et, pourquoi pas, de leur faiblesse.
CHAPITRE XX La suite, les légendes et le folklore
L A bulle de Clément V régla définitivement le sort du Temple. Les biens, cause de sa ruine et de sa persécution, avaient mis en appétit presque tous les rois, dès 1307. Quelques-uns n’avaient-ils pas songé à faire subir le même sort aux Hospitaliers et aux teutoniques ?
Après le concile de Vienne, la proie fut écorchée. La fortune
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