Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
Comme si ce contact pouvait les sauver toutes deux.
    — C’est la dernière fois, Mary, jura-t-il. Nous n’aurons pas d’autre enfant. Je ne ferai plus rien jamais contre ta volonté. Quel qu’en soit le prix. Mais vis, mon amour. Vis ou je mourrai de te perdre.
    Il finit par s’endormir à son tour, épuisé d’avoir trop prié.
    C’est la main de Mary dans ses cheveux qui l’éveilla. Elle était encore pâle et avait les traits tirés, mais elle souriait. Son autre main faisait un berceau à l’enfant sur son cœur. Niklaus se pencha au-dessus d’elle et l’embrassa en bénissant la sorcière tout autant que le ciel d’avoir exaucé son souhait.
     
    *
     
    M athieu Dumas, marquis de Baletti, caressa d’une main amoureuse l’ovale parfait du crâne de cristal, comme chaque nuit depuis vingt ans. Puis, selon un rituel devenu immuable, il s’installa face à lui dans la pièce à peine éclairée par la lueur tremblotante d’un chandelier. Le fauteuil l’avala et il plongea son regard sombre dans les orbites creuses du cristal. Malgré la faible lumière qui le baignait, celui-ci scintillait, captant le moindre éclat pour prendre vie. Cette fois encore, le marquis de Baletti se demanda quelle était cette âme prisonnière du crâne, d’où elle provenait et pourquoi. Il s’obstinait à chercher des réponses dans la logique et le rationalisme de son temps, sachant pourtant qu’il n’en trouverait aucune.
    Il soupira.
    Le courrier de son père adoptif tout autant que la visite d’Emma de Mortefontaine continuaient de le perturber. Ce n’était pas tant la beauté de cette femme qui le troublait, mais la certitude qu’elle détenait une partie de l’énigme. Cette énigme pour laquelle il aurait donné sa vie, sa fortune et son âme. Il brûlait d’impatience de comprendre enfin, et tout à la fois savait d’instinct qu’il ne fallait rien brusquer.
    Le marquis de Baletti n’était plus l’apprenti de maître Dumas. Grâce aux étranges émanations spirituelles du crâne de cristal, il était parvenu à des découvertes miraculeuses. Mais pas uniquement. Chaque nuit, en s’endormant dans ce fauteuil, il rêvait à des lieux étranges, des cités comme il n’en avait jamais vu, des êtres auréolés de lumière, bouillonnants d’esprit et d’humanisme. Au matin, il s’éveillait empli d’une sérénité et d’une sagesse merveilleuses, et tout ce qu’il entreprenait s’avérait facile, judicieux et profitable. Chaque jour, il se sentait plus vaillant, plus efficace, plus instinctif. Chaque jour, il se sentait devenir meilleur.
    Très vite, à cause de cela, il avait dû apprendre à composer et à tricher pour se fondre dans ce monde de faux-semblants. Il s’était donc habitué à porter un masque. Il vivait et se comportait comme un nanti, un Vénitien, conscient que ses actes secrets le feraient éliminer plus sûrement qu’aimer. Et nul ne savait, à l’exception des disciples qu’il se choisissait partout dans le monde, qui était en vérité cet homme fascinant par ses dons de conteur, de musicien et de poète.
     
    Cela faisait maintenant trois semaines qu’il avait regagné Venise et ses salons. Trois semaines qu’il avait reçu Emma de Mortefontaine et qu’ils jouaient l’un à l’égard de l’autre un jeu de séduction. Le carnaval battait son plein dans sa débauche de luxure. Baletti la regardait de loin. Non qu’il n’aimât pas l’amour. Sa sensualité était aussi exacerbée qu’au moment de ses vingt ans. Il avait seulement perdu ses illusions. Les femmes qu’il avait rencontrées et dont il s’était épris avec la fougue de sa jeunesse l’avaient toutes trahi ou déçu. Il rêvait d’idéal. On lui avait servi de la frivolité.
    Il avait fini par se rendre à la raison. Les femmes de ce temps aimaient tout ce qu’il exécrait. Depuis, il leur préférait les putains. Celles de l’ombre qui s’abandonnaient sans manière ni scrupules, et auxquelles il ne promettait rien sinon un sincère et étonnant respect.
    Chaque soir, il devinait la présence d’Emma de Mortefontaine dans l’assistance de ces casinos où l’on ne se contentait plus de discuter de politique. On y parlait d’amour et, le vin aidant, l’anonymat aussi, on le faisait, lorsque les sens échauffés par le verbe, les dames de la noblesse s’offraient aux jeux sensuels que leur hôte orchestrait. Baletti, protégé comme les autres par sa moretta, se régalait les yeux

Weitere Kostenlose Bücher