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Les valets du roi

Les valets du roi

Titel: Les valets du roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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l’instinct des matelots face à la tempête. Au-dehors, la pluie tombait drue et violente. Elle frissonna de l’air froid qui s’engouffrait par l’ouverture béante qui permettait de monter les ballots depuis la cour. Un coup de vent en avait ouvert les volets. Elle se leva à la lueur des éclairs pour les repousser, courbaturée plus qu’à son coucher. A son retour, elle se laissa choir en maudissant Corneille de l’avoir convaincue de monter à cheval quand elle pouvait tout aussi bien marcher, et lui tourna le dos, persuadée qu’il dormait. Elle frotta ses épaules pour se réchauffer. Elle était glacée.
    — Viens, lui dit Corneille en étendant son bras vers elle à la toucher.
    Mary ne répondit pas, son cœur s’était mis à battre plus fort à cette idée. Elle voulut chasser la pensée de ce corps chaud contre le sien, mais Corneille ne lui en laissa pas le temps. Il se colla d’autorité contre ses reins et l’enlaça pour lui communiquer sa chaleur.
    — Faut-il que tu sois sotte par moments, s’amusa-t-il, tandis que son unique main se glissait entre les pans de son gilet.
    Instinctivement, Mary cambra ses reins contre cette protubérance qu’elle ressentait à travers la toile de son pantalon.
    — Tout de même ! renchérit Corneille en la retournant vers lui pour l’embrasser.
    Mary ne s’en défendit pas. Son être tout entier le désirait.
     
    Le mauvais temps et surtout le froid s’éternisèrent jusqu’à Paris. Ce que Mary avait craint se réalisait déjà. Elle n’en avait pas totalement mesuré la détresse alors. Peut-être parce qu’à Brest les pêcheurs trouvaient toujours à subsister. La ville de Paris, sitôt son enceinte franchie, lui sembla triste malgré la beauté de ses maisons à colombages, mêlées à de nouvelles constructions toutes de pierre. Mary ne se lassait pas de regarder partout, découvrant une agitation propre à toutes les villes. Elle comprit pourtant très vite que le ton n’était pas celui des marchands, et que les attroupements n’étaient pas dus à ces spectacles de marionnettes ou de théâtre que l’on pouvait voir. Juchés sur des estrades, des hommes haranguaient les badauds, les faisant se grouper et gronder leur colère.
    Le peuple avait faim. A deux ou trois reprises, Mary et Corneille durent s’écarter des places qu’ils traversaient, inquiets pour leur sécurité. Excités par les fauteurs de troubles, des gens jetaient des pierres en direction des boulangeries, dont les volets étaient fermés. « Plus de blé, plus de pain ! » criait-on en réponse depuis les croisées closes. « Nous n’y pouvons rien ! Laissez-nous en paix », suppliaient d’autres.
    Corneille et Mary échangèrent des regards ennuyés. Ils n’imaginaient pas que la situation fût ici aussi difficile.
    En passant devant une église, Mary constata que des femmes, les bras chargés d’enfants, en faisaient le siège. Des vieillards trompaient leur attente, assis sur le parvis. Parfois couchés en travers des marches comme des bohémiens après une représentation. Des gémissements et des lamentations s’élevaient comme autant de prières.
    — C’est la faute de ces huguenots, entendirent-ils comme ils croisaient deux hommes, qui discutaient, la mine sombre et l’œil mauvais.
    — Depuis que notre bon roi a révoqué l’édit de Nantes, rien ne va plus ! continua le premier.
    — Pour sûr ! renchérit l’autre. Ces mécréants nous ont jeté un sort ! Je suis sûr qu’ils ont pactisé avec le diable pour se venger de nous autres catholiques.
    — Ne traînons pas par là, glissa Corneille à Mary en écartant son cheval de la colère qu’il sentait monter.
    Les deux hommes l’augmentaient de leur gourde emplie de mauvaise vinasse. Meurtres, viols et rapines se multipliaient dans la ville, malgré les sentinelles armées de M. de La Reynie, lieutenant général de police, qui dispersaient les attroupements.
    Une femme se mit à hurler devant eux, au milieu du flux qui encombrait la rue :
    — Au voleur ! Attrapez-le !
    Et Mary les vit surgir de nulle part dans leur costume rouge, pour s’élancer derrière un bougre qui emportait un panier, le dressant au-dessus de sa tête pour ne pas en perdre le contenu, bousculant bêtes et gens sur son passage.
    Corneille dirigea Mary au long de ces rues grouillantes, évitant les travaux de pavage de la chaussée. Ecartant du plat de son sabre les miséreux qui se collaient

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