Les valets du roi
pris plaisir à paraître à la cour du roi Guillaume sitôt le bruit de son mariage répandu, elle s’était vite lassée de voir que, si celui-ci la mettait à l’abri de ses détracteurs, il éloignait aussi ces galants qui l’amusaient.
Ses affaires réglées, elle s’embarqua pour la France.
*
D ans le château vieux, Mary opérait en toute discrétion. Elle s’enquérait des questions que posait Tobias, scrutait les recoins où il s’arrêtait, ne quittant sa filature qu’à la nuit, après s’être assurée qu’il était rentré chez lui. Corneille prenait alors le relais jusqu’à être certain que Tobias Read était couché.
Au matin, cela recommençait.
De son côté, Corneille avait glané d’autres informations, mais elles étaient décousues et contradictoires. Le trésor était tour à tour espagnol, aztèque, maya. On le situait partout et nulle part. Mais la rumeur était partie de Versailles, il en était sûr.
Mary rendit son premier rapport au roi Jacques au moment où Emma de Mortefontaine atteignait Saint-Germain-en-Laye. Tout ce qu’elle avait pu apprendre était que Tobias Read était à la recherche de documents secrets. Elle ajouta, pour crédibiliser la fable qui l’avait menée à sa cour, qu’il tentait aussi de nouer des alliances pour son sinistre projet d’assassinat. Le roi Jacques l’enjoignit de poursuivre sa filature et lui accorda une nouvelle bourse replète pour ses frais.
*
— M a chère épouse ! s’exclama Tobias Read à peine Emma eut-elle posé le pied sur le perron de l’entrée de son hôtel particulier.
Située au-delà d’un petit portail clôturant une sobre cour carrée, la bâtisse avait le charme de ces habitations de pierre. A défaut de jardin, des parterres avaient été aménagés où buis et rosiers se mêlaient autour d’une fontaine entretenue par l’eau du puits. Tobias Read s’était fait acquéreur de ce petit domaine cinq années auparavant, dans le but d’élargir son influence en France et d’avoir ainsi à sa disposition une intendance prête à l’accueillir quel que soit le temps qu’il décide de passer à Saint-Germain.
— Avez-vous fait bon voyage ? poursuivit-il en la prenant par le coude pour la guider vers la salle à manger.
Le dîner venait d’y être servi. Ils pénétrèrent dans la pièce où une odeur de cire se mêlait à celle du potage de fèves que la domestique achevait de verser dans leurs assiettes. Sur l’ordre de Tobias Read, à l’annonce de la voiture d’Emma, elle avait en hâte dressé un second couvert. Malgré le billet prévenant son arrivée, on ne pouvait jamais en affirmer l’heure et le jour, liés aux conditions climatiques et à l’état des routes comme à celui des mers.
— Je déteste toujours autant le roulis des navires, avoua-t-elle, et ne m’y fais que contrainte. Le fumet de ce repas me semble pourtant de taille à me remettre de ma fatigue.
La domestique prit cela pour un compliment et la salua d’un sourire et d’une courbette en lui souhaitant bienvenue et bon appétit.
— Ne tardons pas alors, déclara Tobias en lui reculant sa chaise avec courtoisie pour qu’elle puisse s’asseoir.
Il s’installa de même à l’autre bout de la table, détestant cette longueur de plateau qui les privait d’une réelle intimité.
N’ayant aucun goût pour étaler ses confidences devant les domestiques, il se contenta de s’informer des activités d’Emma à Londres et des nouvelles de la cour du roi Guillaume, qu’elle avait fréquentée durant son absence. Emma se fendit de quelques anecdotes sur ses amies, qui n’en finissaient plus de la féliciter de son mariage, et sur ses ennemies, que ce même événement lui avait découvertes.
— Vos maîtresses de l’ombre sont furieuses, mon cher. Elles me haïssent de vous avoir marié quand elles s’imaginaient vos promises. Se voyant désormais les unes et les autres bafouées de même, elles ne cessent de fustiger votre légèreté. A les entendre, vous seriez le dernier des scélérats et des menteurs.
Tobias s’en amusa plus qu’il n’en fut fâché.
— Qu’elles caquettent donc, cela m’indiffère ! Du moment que cela ne vous indispose pas.
— Pas le moins du monde, assura Emma.
— Depuis mon veuvage, je n’ai eu d’autre vertu que de saisir les occasions que ces belles m’offraient. La plupart, mariées, y trouvaient un arrangement proche du mien. J’avoue que
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