Les voyages interdits
prîmes
place dans notre réduit, chacun posté derrière l’un des trous espions. Durant
un bon moment, il ne se passa rien de particulier. Puis quatre femmes vinrent
s’installer dans la chambre que j’épiais et se mirent à leur aise parmi les
coussins. Toutes avaient sensiblement l’âge de la shahryar Zahd et étaient
presque aussi belles. L’une d’entre elles semblait être d’origine persane, car
sa peau était ivoire et ses cheveux d’un noir de jais, mais ses yeux brillaient
d’un bleu lapis-lazuli. Une autre devait être, selon moi, arménienne, car
chacun de ses seins avait la taille de sa tête. Une autre était noire, sans
doute une Éthiopienne ou une Nubienne, et, si l’on exceptait ses pieds
interminables, ses mollets en allumette et son postérieur large comme un
balcon, elle était plutôt avenante et bien faite : un visage agréable aux
lèvres point trop épatées, une poitrine ferme et bien galbée, de longues mains
fines. Quant à la dernière, elle était si sombre de peau et avait les yeux si foncés
qu’elle ne pouvait être qu’arabe.
Cependant, bien que ces femmes aient été prévenues
qu’aucune surveillance ne s’exercerait sur elles, elles n’en abandonnèrent pas
pour autant toute décence et toute retenue. Bien qu’aucune ne portât le
tchador, elle étaient toutes entièrement vêtues et le demeurèrent. Aucun amant
subrepticement introduit ne vint les rejoindre. La Noire et l’Arabe avaient
apporté des travaux d’aiguille et s’absorbaient dans cette léthargique
occupation. La Persane avait installé autour d’elle un nécessaire de manucure
et passa son temps à prendre un soin méticuleux des ongles de mains et
d’orteils de l’Arménienne, après quoi toutes deux entreprirent de se colorer
les paumes des mains et les plantes des pieds.
Ce spectacle sans relief ne tarda pas à m’ennuyer à
mourir – apathie d’ailleurs partagée par les quatre femmes que je pouvais voir
bâiller, entendre roter et sentir faire des vents –, et je commençai à me
demander ce qui avait pu me pousser à suspecter des orgies épicées et
babyloniennes dans cette maison remplie de femmes pour une simple raison :
leur appartenance commune à un seul homme. Il apparaissait clairement que,
lorsque tant de femmes n’avaient rien d’autre à faire qu’attendre l’appel de
leur mari, elles n’avaient littéralement aucune autre occupation
possible. À part fainéanter dans un état proche de celui des légumes, elles
n’avaient qu’à patienter d’ici au prochain rendez-vous – et celui-ci pouvait
être lointain – au cours duquel elles auraient à faire usage de leurs parties
animales. J’aurais aussi bien pu observer une rangée de choux en train de mûrir
et me tournai dans le réduit pour dire à la princesse quelque chose de ce
genre.
Mais, les lèvres animées d’un rictus lascif, elle mit
un doigt sur sa bouche, avant de m’indiquer en silence son poste d’observation.
Je me penchai et plongeai le regard dans le trou, retenant l’instant d’après
une exclamation de surprise. La pièce comptait deux occupants. L’une était une
femme bien plus jeune que celles réunies dans la pièce adjacente et aussi bien
plus jolie, peut-être parce qu’une plus grande partie de son corps était
visible. Elle avait ôté son pai-jamah avec tout ce qu’elle portait
dessous et était ainsi nue en dessous de la poitrine. Sa peau sombre était
celle d’une Arabe, mais son joli visage arborait à présent un teint rougi par
l’effort. L’occupant mâle était l’un de ces singes simiazze de la taille
d’un enfant, entièrement couvert de poils et dont j’aurais eu du mal à
identifier le sexe si, justement, la jeune fille n’avait été en train de
flatter d’une main insistante la virilité de l’animal. Elle parvint finalement
à l’exciter suffisamment, mais le singe ne faisant alors encore que regarder
stupidement sa petite éminence ainsi érigée, elle ne ménagea pas sa peine pour
lui montrer la façon dont il devait s’en servir et l’endroit où l’introduire.
Elle réussit à parvenir à ses fins, ce que Phalène et moi observions depuis
notre poste de guet.
Lorsque cette ridicule exhibition fut achevée, la
jeune Arabe s’essuya avec une serviette et pansa les quelques égratignures que
lui avait infligées son partenaire. Après quoi, elle renfila son pai-jamah et
laissa le singe traîner des pieds puis sauter hors de la pièce. Phalène
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