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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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par là, j’ai aussi pu essayer... (il glissa un regard en direction de
la shahryar Zahd). La ville est réputée, vous le savez, pour l’inégalable
beauté de ses femmes, et je dois avouer que j’en ai vu de plus jolies à cet
endroit que partout ailleurs.
    — C’est vrai, admit la shahryar. J’y suis née
moi-même. Nous avons ici en Perse un proverbe qui dit : « Si tu
cherches une jolie femme, va voir à Chiraz. Si tu cherches un beau garçon,
rends-toi à Kachan. » Vous passerez du reste par cette dernière ville en
partant vers l’est comme vous allez le faire.
    — Ah bon, tiens donc ! nota au passage oncle
Matteo. Pour ma part, enchaîna-t-il, j’ai découvert à Bassora une chose
entièrement nouvelle pour moi. Il s’agit d’une huile appelée naphte, mais qui,
loin de provenir des olives, des noix, du poisson ou d’être extraite de la
graisse animale, suinte directement du sol lui-même. Elle éclaire mieux que
n’importe quelle huile, brûle plus longtemps et n’émet pas d’odeur suffocante.
J’en ai rempli plusieurs flasques, histoire de nous illuminer le soir au cours
de notre voyage ainsi que pour en étonner d’autres qui, comme moi, n’auront
peut-être encore jamais vu pareille substance.
    — Pour ce qui est de votre expédition,
maintenant, reprit le shah. Puisque vous avez résolu d’opter pour la voie
terrestre, souvenez-vous de ma mise en garde à l’égard du Dasht-e-Kavir, le
Grand Désert salé situé plus à l’est. Cette fin d’automne est sans doute la
meilleure saison pour en entreprendre la traversée, bien que, à dire vrai,
aucune période ne soit vraiment propice. Pour votre caravane, j’ai suggéré des
chameaux, et il vous en faudrait cinq. Un réservé à chacun d’entre vous et
portant vos effets personnels, un pour votre guide, le dernier pour le reste de
vos marchandises. Le wazir pourra vous accompagner demain au bazar afin
de vous aider à les choisir, il les paiera pour vous et acceptera vos chevaux
en guise de dédommagement.
    — C’est vraiment très aimable à Votre Majesté,
fit mon père, reconnaissant. Mais il y a un petit détail... Nous n’avons pas de
conducteur de chameaux.
    — Je vois. À moins que vous ne soyez versé dans
l’art de mener cette bête, il vous en faudrait un. Je peux sans doute vous
aider à vous le procurer. Mais avant tout, occupez-vous des chameaux.
    Ainsi, le lendemain, nous étions de retour au bazar
avec Jamshid. Le marché aux chameaux couvrait à lui seul un large espace
ceinturé d’une rangée continue de pierres. Les animaux étaient alignés côte à
côte, les antérieurs attachés sur ces rochers afin qu’ils aient l’air, aux yeux
des acheteurs potentiels, à la fois plus grands et plus fiers. Cette partie du
marché était de loin la plus bruyante, puisqu’en plus des vociférations agitées
que se lançaient vendeurs et acheteurs occupés à se chamailler sur les prix,
les chameaux eux-mêmes, agacés de se voir sans cesse attraper et secouer le
museau pour les forcer à montrer leur agilité à s’asseoir et se relever, gémissaient
à fendre l’âme, emplissant l’air de leurs beuglements irrités. Jamshid ne se
priva pas de les soumettre à son tour à cette épreuve ainsi qu’à bien d’autres.
Il agita leurs bosses en tous sens, palpa leurs membres de haut en bas et leur
inspecta scrupuleusement les naseaux. Après avoir ainsi examiné presque toutes
les bêtes exposées ce jour-là, il en fit mettre cinq de côté, un mâle et quatre
femelles. Puis il se tourna vers mon père et lui dit :
    — Voyez si vous approuvez ma sélection, Mirza
Polo. Vous noterez que leurs sabots antérieurs sont plus larges que ceux de
derrière, indice sûr de leur puissance et de leur stabilité. Leurs naseaux sont
sains, c’est un détail auquel il faut veiller régulièrement. À la moindre
alerte d’infestation, n’hésitez pas à les vermifuger par aspersion de poivre.
    Mon père et mon oncle, n’ayant aucune habitude de ce
genre de commerce, s’en remirent avec confiance au choix scrupuleux du wazir. Le marchand manda l’un de ses aides pour conduire les bêtes,
attachées les unes aux autres à la queue leu leu, jusqu’aux étables du palais,
et nous les suivîmes à notre rythme.
    Le shah Zaman et sa compagne, la shahryar Zahd, nous
attendaient dans une pièce chargée des multiples présents qu’ils comptaient
nous faire remettre de leur part au khan Kubilaï. Qali de la

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