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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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deux
autres domestiques nous aidèrent à endosser de robustes habits de voyage du
plus pur style persan et à remballer nos effets personnels. Après quoi, ils
offrirent à chacun d’entre nous un vaste panier garni de la nourriture la plus
fine, de vin et d’autres friandises. Ils avaient été préparés tout exprès par
les cuisiniers du palais, de façon que les viandes se conservent le mieux
possible et nous permettent ainsi de nous sustenter une bonne partie du voyage.
Cela fait, les trois domestiques se lancèrent dans une hallucinante
démonstration de chagrin et d’affliction, comme si nous avions été toute leur
vie durant leurs maîtres bien-aimés et que nous les abandonnions tout d’un coup
à jamais. Ils se prosternèrent dans d’interminables salamalecs, puis ils
arrachèrent leurs turbans et frappèrent leurs têtes nues sur le plancher,
violence qu’ils ne consentirent à faire cesser que lorsque mon père leur eut
distribué de juteux pourboires. Dès lors, ils nous regardèrent partir avec de
grands sourires, nous recommandant chaleureusement à la protection d’Allah.
    Aux écuries du palais, nous découvrîmes que, sans y
avoir été enjoint ni contraint, Narine avait fait seller et charger nos
chameaux de tout notre attirail, sans rien en oublier. Il avait même fait
envelopper et calé avec le plus grand soin les nombreux cadeaux offerts par le
shah, afin qu’ils ne puissent ni choir ni s’entrechoquer les uns contre les
autres. Enfin, pour autant que nous puissions en juger, il n’avait absolument
rien volé.
    Loin de le complimenter, mon oncle lui déclara de son
ton le plus rude :
    — Je vois ton petit manège, coquin ! Tu
crois peut-être pouvoir nous endormir par ces bonnes actions, afin de mieux
nous rouler dans la farine dès que ton instinct de gredin aura repris le
dessus. Mais fais bien attention, Narine, c’est tous les jours que nous
exigerons de ta part cette efficacité et...
    L’esclave l’interrompit pour déclamer de la façon la
plus obséquieuse :
    — Les maîtres n’ont jamais que les domestiques
qu’ils méritent : ceux-ci les servent d’autant mieux qu’on leur a fait
confiance et qu’on les a respectés.
    — Eh bien, pour autant que nous sachions,
intervint mon père, il ne semble pas que tu aies particulièrement bien servi
tes précédents propriétaires, qu’il s’agisse du marchand d’esclaves, du shah...
    — Ah, mon bon maître, Mirza Polo, je suis resté
trop longtemps confiné à la ville et cloîtré dans ces étroites demeures, mon
esprit en est devenu acariâtre et revêche. Allah a fait de moi un vagabond.
Aussi, dès que j’ai su que vous étiez d’authentiques voyageurs, ai-je fait tous
les efforts possibles et imaginables pour me faire renvoyer de ce palais, afin
de pouvoir, par un moyen ou un autre, rejoindre votre caravane.
    — Hum..., firent ensemble mon père et mon oncle,
aussi sceptiques l’un que l’autre.
    — Ce faisant, je savais que je risquais une
sortie bien plus radicale, comme d’aller faire un plongeon dans le chaudron.
Mais le jeune Mirza Marco m’a sauvé de ce tragique destin et il n’aura point à
le regretter. Je serai toujours pour vous, mes vieux et vénérables maîtres, un
très obéissant serviteur, mais je saurai constituer pour lui un précieux et
dévoué mentor. Je me dresserai entre lui et la souffrance, pour le protéger
comme il l’a fait pour moi et, jour après jour, avec assiduité, je l’instruirai
de toute la sagesse de la piste.
    Tel était le second des précepteurs et des guides un
peu particuliers que j’avais récoltés à Bagdad. J’aurais bien sûr mille fois
préféré qu’il soit aussi avenant, agréable à fréquenter et désirable que
l’avait été la princesse Phalène. À la vérité, l’idée de vivre sous la tutelle
de cet esclave malpropre ne m’enchantait guère, inquiet que j’étais de voir
déteindre sur moi, à la longue, l’une ou l’autre de ses détestables manies.
Cependant, je n’eus pas le cœur de le blesser en avouant tout haut ce que je
pensais tout bas et me contentai d’arborer un air de magnanime tolérance.
    — Vous savez, je ne prétends pas être un homme
parfait, loin de là, poursuivit Narine, comme s’il avait lu dans mes pensées.
J’admets que certaines de mes façons pourraient choquer une compagnie policée,
et sans doute aurez-vous plus d’une occasion de me morigéner, voire de me
battre. Mais en tant que guide

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