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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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rôle qu’ils acceptèrent bien volontiers.
    Le lendemain, nous étions sept à nous diriger au
nord-est. Les Mongols dédaignant de converser avec un simple conducteur de
chameaux, l’oncle Matteo n’étant pas enclin à échanger avec quiconque et ma
tête étant encore douloureuse dès que je l’ébranlais en parlant, seuls mon père
et nos trois nouveaux compagnons discutèrent au fil de la route, et je fus
heureux, en chevauchant à portée d’oreille, de pouvoir me familiariser avec un
nouveau langage.
    La première chose que j’appris est que le terme
« mongol » ne s’applique ni à une race, ni à une nation, ni à un
peuple : il dérive de mong, qui signifie « brave ». Par
ailleurs, aussi semblables que puissent paraître à mon œil inexpérimenté nos
trois accompagnateurs mongols, ils étaient en fait aussi disparates que s’ils
avaient été l’un vénitien, l’autre génois et le troisième pisan. L’un d’eux
faisait partie de la tribu des Khalkhas, un autre était merkit, et leur acolyte
était bouriate, tribus qui, je le compris au passage, habitaient des régions
largement séparées sur ces terres que le puissant Gengis – lui-même un Khalkhas
– avait jadis unies, avant de bâtir le khanat mongol. Sur le plan religieux, l’un
était bouddhiste, l’autre taoïste – foi dont j’ignorais tout – et le dernier,
étonnamment, nestorien. Mais j’appris en même temps que, quelle que fut
l’origine tribale d’un Mongol, quelle que fut sa religion ou son affectation
militaire, jamais il ne se faisait désigner comme un Khalkhas, un chrétien, un
archer ou un fantassin en armure... Il ne voulait être appelé que du titre de
Mongol – et seulement sur un ton fier et impérieux : « Mongol ! »  
–,car cette dénomination, surpassant tout ce qu’il pourrait être
d’autre, a préséance sur toutes les précédentes.
    En fait, bien avant que je fusse capable de tenir avec
nos trois cavaliers d’escorte la moindre conversation, j’avais pu discerner à
travers leur comportement certaines des curieuses coutumes et habitudes des
Mongols, ou, pour mieux dire, certaines de leurs superstitions barbares. Alors
que nous nous trouvions encore à l’oasis, Narine leur avait suggéré de se
nettoyer du sang, de la sueur et de la poussière accumulés sur leurs vêtements
depuis si longtemps, afin de repartir propres et nets pour la prochaine étape
de notre voyage. Les hommes avaient décliné la proposition, expliquant qu’il
n’était pas sage de laver une pièce d’habillement en dehors de sa terre
d’origine parce que cela pouvait provoquer un orage. Comment un tel
événement était possible, c’est ce qu’ils ne disaient pas, ni ne pouvaient
démontrer. Pourtant, aucun homme de bon sens, pris au milieu d’un désert
blanchi et desséché, n’aurait trouvé à se plaindre d’un bon orage humide, quel
que fut le mystère de sa formation. Mais les Mongols, qui ne craignent rien
d’autre sous les deux, sont aussi terrifiés par le tonnerre et par la foudre
que l’enfant ou la femme les plus craintifs.
    De même, tant que nous séjournâmes dans cette oasis
abondamment pourvue en eau, jamais les trois Mongols ne s’accordèrent le
moindre bain rafraîchissant, et Dieu sait pourtant qu’ils en auraient eu
besoin. La croûte de crasse qui les recouvrait était si épaisse qu’ils en
craquaient presque, et leur fumet eût fait fuir un chacal. Pourtant, ils ne se
lavaient jamais que la tête et les mains, et encore, de façon plus que
symbolique. L’un d’eux plongeait une gourde dans la source, mais n’en utilisait
même pas l’équivalent d’une louche. Il buvait au goulot de l’eau qu’il gardait
en bouche, puis la recrachait dans la coupe de ses mains, par petites
quantités : un jet pour humidifier ses cheveux, un jet pour les oreilles,
et ainsi de suite. Je vous l’accorde, peut-être n’était-ce pas vraiment de la
superstition, mais plutôt un réflexe de conservation de l’eau acquis par une
tribu qui passait la majeure partie de son temps sur des terres arides. Mais
tout de même, je continue de penser qu’ils auraient été un peu plus fréquentables
s’ils avaient consenti à mettre de côté leur austérité, lorsqu’elle n’était pas
vraiment nécessaire.
    Autre chose. Ces trois hommes, quand ils étaient
tombés sur nous, étaient arrivés du nord-est. Maintenant que nous nous
dirigions précisément dans cette direction, ils

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