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Les voyages interdits

Les voyages interdits

Titel: Les voyages interdits Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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ils ont tué, ont brûlé, ont pillé, se
sont emparés de leurs proies et sont repartis. »
    Ils étaient repartis, en effet, mais la contrée
entière, comme tant d’autres, était toujours soumise à tribut et avait dû faire
allégeance au khanat mongol. L’apparence mélancolique et sombre des habitants
était de ce fait assez compréhensible, à proximité d’une inquiétante garnison
mongole toujours stationnée aux environs immédiats. Des guerriers mongols en
armes fendaient à grands pas la foule des bazars, comme pour rappeler que le
petit-fils de Gengis, le khakhan Kubilaï, tenait toujours la cité sous sa
lourde botte. Et les habitants de Balkh étaient toujours surveillés de près,
que ce fut sous les stalles du marché ou dans leurs cabines de change, par
l’œil attentif des magistrats et autres collecteurs d’impôts au service du
Grand Khan.
    Je pourrais redire, et ce ne serait que la pure
vérité, que partout à l’est du bassin de l’Euphrate, depuis les confins
occidentaux de la Perse, nous ne faisions, nous autres voyageurs, que traverser
les terres du khan des Mongols. Mais, bien sûr, il eût été parfaitement vain de
nous contenter d’indiquer sur nos cartes cette seule et simple
information : autant valait, dans ce cas, ne pas avoir de carte du tout.
Sans plus de détails, une telle carte aurait été inutile à tout utilisateur
ultérieur. Comme nous espérions bien pouvoir, à notre retour, établir notre
trajet exact et comptions fournir des cartes fiables aux marchands qui
effectueraient la navette entre Venise et Kithai, autrement dit la Chine, nous
sortions tous les jours notre Kitab et, après en avoir longuement
délibéré entre nous, l’enrichissions des symboles nécessaires marquant
montagnes, rivières, villes et déserts, ou tout autre point caractéristique.
    Cette tâche était à présent devenue cruciale. Depuis
les rives du Levant, en effet, jusqu’à la région où nous nous trouvions alors,
la carte d’Al-Idrîsî avait constitué pour nous un guide fiable. Comme l’avait
remarqué mon père depuis longtemps, il était probable que le géographe avait vu
ces terres de ses propres yeux. En revanche, à partir de Balkh, toujours en
allant vers l’est, il semblait n’avoir rédigé sa carte que d’après des
informations rapportées par d’autres voyageurs qui ne brillaient pas tous par
leur sens de l’observation. Le Kitab était en effet dès lors beaucoup
plus avare en indications diverses, et les rares qui s’y trouvaient –
fussent-elles des rivières ou des chaînes de montagnes – s’avéraient souvent
situées de façon fort approximative.
    — Dites donc, les espaces représentés sur la
carte à compter d’ici semblent incroyablement étroits, vous ne trouvez
pas ? fit mon père en fronçant les sourcils.
    — Par Dieu, tu l’as dit ! répliqua mon
oncle, toujours toussant et se grattant. Il existe, entre ici et l’océan de
l’est, bien plus de terres que ce qu’il indique.
    — Bien, décida mon père. Alors il s’agira
désormais d’être particulièrement attentifs lors du moindre de nos relevés
géographiques.
    Si oncle Matteo et mon père s’entendaient sans grand
débat sur la localisation des cours d’eau, des villes et des déserts, éléments
aussi aisés à observer qu’à mesurer, il n’en allait pas de même pour
représenter ceux qui étaient nettement moins évidents, comme les frontières
entre nations. Celles-ci donnaient lieu à d’intenses délibérations, et nous
n’en décidions parfois qu’en tombant d’accord sur nos intuitions partagées.
Cette tâche était en vérité d’une difficulté à vous rendre fou, tant
l’incroyable étendue du khanat mongol avait englouti, jusqu’à les rendre
immatérielles, les limites de nations et d’Etats naguère indépendants. Seul un
cartographe soigneux, au travail exigeant, pouvait désormais dénouer
l’inextricable question de l’emplacement exact de ces lignes de partage. Même
avec l’aide de représentants de chacune de ces nations, la détermination de
leurs frontières serait restée un exercice délicat, si j’en juge par le mal
qu’auraient eu, y compris dans notre péninsule italienne, les natifs de deux
cités voisines pour tomber d’accord sur ce point. Mais il se trouve qu’en Asie
centrale l’étendue des nations et le tracé de leurs frontières ont toujours
plus ou moins fluctué, avant même que l’invasion mongole rende

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